ARCHE DE ZOÉ : RETOUR SUR UN WHITE SAVIORISME RATÉ

Durant le mois d’Octobre en 2007, une association fait les gros titres pour avoir tenté de rapatriés 103 jeunes tchadiens en France pour les faire adopter sans le consentement des parents. Ses membres sont arrêtés par la police tchadienne et est accusé de tentative d’enlèvement sur mineur, de faux et usage de faux en écriture publique et escroquerie. Voici l’histoire d’un scandal humanitaire devenue scandale diplomatique, l’histoire d’un white saviorisme raté, celui de l’Arche de Zoé.

Pour bien comprendre ce fiasco retentissant, il faut revenir aux origines de l’association.

Pour commencer, Arche de Zoé est une association de loi 1905 fondé par  Éric Breteau, pompier volontaire.
Le but de l’association est à l’origine d’aider les enfants orphelins et l'aide humanitaire classique. C’est en ce sens, qu’entre 2005 et 2006, l’association travaille à la réhabilitation des zones sinistrées en Indonésie suite au tsunami de 2004 à travers la mise en place de plusieurs camps de réfugiés .
Ensuite vient l’opération « Books For Children », visant à donner à plus de 100 000 enfants de la région la possibilité « d'accéder à des lieux de culture, d'enrichissement intellectuel et d'épanouissement »

2007 : L’ANNÉE OÙ TOUT A BASCULÉ

La genèse d’une opération

Quelque 200 membres de l'association l'Arche de ZoÈ et du Collectif des familles pour les Orphelins du Darfour (CFOD) attendent, le 25 octobre 2007 ‡ l'aÈroport de Vatry, les 103 orphelins du Darfour bloquÈs au Tchad aprËs que le prÈsident de l'association Eric Breteau a ÈtÈ arrÍtÈ la veille au moment o˘ il tentait de les Èvacuer par avion. L'association avait annoncÈ en juin une opÈration controversÈe d'Èvacuation de 1.000 enfants du Darfour, "pour les sauver d'une mort certaine" et les faire accueillir par des familles franÁaises.

Ensuite alors que le Tchad est en proie à de grands conflits dans la région du Darfour, c’est le moment choisit par l’association pour lancer, « Opération Darfour 2007 ». C’est opération a pour but de collecter des dons et d’organiser l'évacuation d'enfants de moins de 5 ans orphelins (jusqu'à 10 000) afin de leur faire obtenir un statut de demandeur d'asile à travers des familles d'accueil, voire de leurs permettre dès les adopter , plus de 350 Familles avaient prévu d’adopter . Des milliers d’euros sont récoltés !
Il faut savoir qu’à l’annonce de leur opération, le ministère des affaires étrangères français, les avaient mis en garde.

Pour permettre cette opération périlleuse, le Collectif des familles pour les orphelins du Darfour (Cofod) est mis sur pied pour soutenir L'Arche de Zoé ( à retenir). La dangerosité de l’opération et le caractère de cette dernière était connue de l’association puisqu’elle se fait enregistrer sur place à Abéché, au Tchad, sous le nom de «  Children Rescue » et jouera sur cette confusion pour brouiller les pistes.

Du centre de soin à la prison tchadienne

Avant de mettre à exécution son plan l’Arche de Zoé gère un centre de soins venant en aide aux enfants victimes du conflit dans le Darfour. Elle prétend avoir l'agrément du Haut Commissariat pour les réfugiés de l'ONU et des autorités tchadiennes. Mais très rapidement, les autorités françaises et tchadiennes sont mises au courant d’une possible exfiltration d’une centaines d’enfants mais aucun lien n’est fait entre L’arche de Zoé et Children Rescue.

le président de l'association Éric Breteau et sa compagne Émilie Lelouch, le vice-président du COFOD Alain Peligat,la vice-présidente du COFOD et journaliste Marie Agnès Peleran lors de leur interpellation

Dans la foulée, de ces suspicions, six membres de l'association ( dont le président de l'association Éric Breteau et sa compagne Émilie Lelouch, le président du COFOD Philippe Van Winckelberg, le vice-président du COFOD Alain Peligat, la vice-présidente du COFOD et journaliste Marie Agnès Peleran), ainsi que deux autres journalistes (couvraient l'opération humanitaire pour les médias : Marc Garmirian, reporter de l'Agence CAPA, et Jean-Daniel Guillou du collectif photo Synchro-X) et sept membres espagnols de l'équipage de l'avion affrété pour l'opération sont interpellés à Abéché alors qu’ils tentaient d’embarquer avec les enfants.

Eric Breteau (L) president of the French charity Zoe's Ark and some of the 16 Europeans charged with kidnapping or complicity after a charity attempted to fly more than 100 children to France, are pictured 30 October 2007 at the justice court in Abeche. Nine French nationals -- members of the charity Zoe's Ark or journalists -- were formally charged by judge in Chad with "kidnapping of minors with the aim of compromising their civil status" and "swindling," an official in this eastern town said. The seven Spanish crew of the aircraft and two Chadian nationals were charged with complicity to kidnapping. AFP PHOTO SONIA ROLLEY

Au même moment, en France , une perquisition est faite au siège de l'association, ainsi que chez Eric Breteau, dans le cadre d'une information judiciaire « pour exercice illicite de l'activité d'intermédiaire en adoption de mineurs ou de placement en vue d'une adoption éventuelle de la part des familles d'accueil et après avoir suivi le processus administratif en vigueur conformément à la loi ». Au Tchad, Le président tchadien, Idriss Déby, accuse L'Arche de Zoé d'avoir perpétré "un enlèvement pur et simple".

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2012, Reportage d’Itélé de Célinee Bruneau sur des enfants et leurs familles victime de l’Arche de Zoé

Vous me direz pourquoi ? Tout simplement parce qu’ils sont soupçonnés par les autorités locales d’avoir tenter d’enlever des enfants en faisant passer cela pour une évacuation sanitaire, les enfants étant couverts de faux bandages et de perfusions factices et surtout aucun des enfants n’étaient orphelins. L’arche de Zoé a délibérément menti à plus de la moitié des familles pour vendre leurs enfants à des familles françaises.

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Extrait d’un témoignage sur Europe 1 d’une personne victime de la tromperie de l’Arche de Zoé

En effet, selon une enquête menée conjointement par l'Unicef, le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés et le Comité international de la Croix-Rouge, 85 % des enfants que transportait L'Arche de Zoé ne sont pas orphelins (75 % ont leurs deux parents, 10 % en ont un) et les trois quarts sont tchadiens (des ethnies Masalit et Zaghawa).

Une affaire politique

De son côté, Nicolas Sarkozy, alors fraîchement président de la République, condamne une opération, la qualifiant d’"illégale" et d’"inacceptable".
Sans attendre, 16 Européens et 2 Tchadiens sont inculpés "d'enlèvement de mineurs", d'"escroquerie" ou de "complicité". Bien évidemment, les avocats de L'Arche de Zoé dénoncent la "dimension politique" de l'affaire tout en niant qu'il y ait eu enlèvement .

Effectivement , le retentissement de l’affaire est telle qu’elle devient politique . C’est pourquoi, moins d’une semaine après leur mise en détention, au Tchad, les neufs Français sont inculpés d'enlèvement de mineurs et d'escroquerie, tandis que les sept Espagnols sont inculpés de complicité d'enlèvement. Quelques jours plus tard , Nicolas Sarkozy se rend au Tchad. Ce même jour, la justice tchadienne libère les trois journalistes français et les quatre hôtesses espagnoles. Ils sont rapatriés avec l'avion présidentiel français jusqu'à l'aéroport militaire de Villacoublay après une conférence de presse commune Sarkozy-Déby. Le 9 novembre 2007, les trois Espagnols et le pilote belge qui étaient inculpés de complicité avec L'Arche de Zoé sont remis en liberté. Il eut par la suite un procès tchadien qui déboucha sur la condamnation des six membres de l'association à huit ans de prison assortis de travaux forcés et à une condamnation pécuniaire de 4,12 milliards de francs CFA soit environ 6,5 millions d'euros (40 millions de francs CFA par enfant), à payer aux familles solidairement avec deux autres condamnés dans cette affaire. Écroués, ils débutent une grève de la faim jusqu’à leur rapatriement en fin décembre 2007. Ils sont incarcérés à leur arrivée en France, à Fresne. Par la suite débute en Janvier 2008, la longue procédure judiciaire française…

Face à la justice française n’a

La grâce de Deby

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Allocutions des avocats des principaux accusés lors de l’audition du 28 Janvier 2008
source : Ina.fr

Lors de l'audience du 28 janvier 2008, le tribunal correctionnel de Créteil a déterminé 8 années de prison ferme comme peine équivalente aux huit ans de travaux forcés auxquels ils ont été condamnés au Tchad. À la suite de cette transposition de la peine en droit français, une demande de grâce a été déposée par les avocats auprès des autorités tchadiennes. Une demande acceptée par le président Déby qui a pu resté en place grâce a une opération des troupes françaises envoyées sur le terrain par le président lui-même . Cette grâce ne concerne en rien la condamnation pécuniaire . Elle entraîne tout de même leur libération immédiate.

La condamnation française

Éric Breteau, Émilie Lelouch

Malgré cela , quatre d'entre eux (Éric Breteau, Émilie Lelouch, Philippe van Winkelberg, et Alain Péligat) restent visés par une instruction menée par le parquet de Paris pour « exercice illégal de l'activité d'intermédiaire en vue d'adoption », « aide au séjour irrégulier de mineurs étrangers en France » et « escroquerie ». Après plusieurs rebondissements judiciaires en France dont une première condamnation réelle en 2013.

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Reportage de France 24 revenant sur l’affaire


En effet, Éric Breteau et Émilie Lelouch, sont condamnés par le tribunal correctionnel de Paris à trois ans de prison dont deux ans d'emprisonnement ferme et, chacun, à 50 000 € d'amende. Ils sont par ailleurs interdits d'exercer toute profession d'accueil, d'hébergement ou de placement de mineurs. D'autres collaborateurs de l'Association sont condamnés à des peines plus légères, et L'Arche de Zoé, en tant que personne morale, a été condamnée à une amende de 100 000 €, et sa dissolution a été prononcée.
En avril 2013, la justice accepte la libération d'Éric Breteau et Émilie Lelouch sous contrôle judiciaire, en attendant leur procès en appel.

L’épilogue

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Reportage de l’AFP autour de la relaxation d’Alain Péligat

C’est en 2014 que la cour d'appel tranche et relaxe le logisticien de l'association, Alain Péligat, après avoir déclaré coupables Éric Breteau et Émilie Lelouch, réforme les peines prononcées à leur encontre en première instance, les condamnant à deux ans d'emprisonnement intégralement assortis du sursis simple, et chacun, à 50 000 € d'amende. Éric Breteau et Émilie Lelouch forment un pourvoi en cassation qui est rejeté le 17 février 2016, rendant leur condamnation définitive.