Fally Ipupa, le gladiateur congolais.

7/15/2024

Un gladiateur est un combattant romain qui se battait dans les arènes pour accroître sa renommée, divertir le public ou encore s’enrichir. Aujourd’hui, Fally Ipupa a gagné le droit d’être renommé « Quint’Arena » puisqu’il vient d’enchaîner cinq concerts dans des « Arena » de manière consécutive. Trustmag y était lors de quatre d’entre elles. 

Le samedi 25 novembre 2023, l’auteur de « Amore » se produisait à Paris La Défense Arena, puis le 8 décembre 2023 ce fut à Londres, du côté de l’OVO Arena. Le samedi 16 décembre 2023, jour d’anniversaire de l’album Formule 7, l’artiste et son groupe étaient à Bruxelles, à l’ING Arena. La capitale des Gaules a eu droit également à son concert puisque le samedi 6 juillet 2024, El Mara se produisait à la LDLC Arena et était le samedi suivant, veille de fête nationale, à Bordeaux, dans l’Arkea Arena. Retour sur ce quintuplé.

Le samedi 25 novembre était un jour marqué au fer rouge pour toute personne qui aime la musique congolaise. Ce concert n’était à manquer sous aucun prétexte, que ce soit les Warriors (nom donné par l’artiste à ses fans), ses plus fervents détracteurs, les curieux, les incrédules. En somme, tout le monde en parlait, tout le monde voulait en être. Pour certains, c’était le concert d’une génération. La génération qui, à cause des « combattants » qui s’opposaient à la tenue de concerts d’artistes congolais dans l’espace Schengen, ne connaît l’ambiance autour des concerts que via YouTube. Une génération dont les plus chanceux avaient bravé le feu et les larmes pour être déjà présents à l’Accor Arena en 2020. Ce concert était l’occasion de marquer l’Histoire pour Fally car il deviendrait le premier artiste natif du Congo à jouer dans cette salle. Pour reprendre ses propres mots, il y a vingt ans pour parler de Bercy, il a « déviergé » l’U-Arena. Un concert qui s’est tenu à guichets fermés, dans une salle comble.

Un public venu de tous horizons, de tous les continents s’est déplacé (en retard pour beaucoup) pour assister à ce show. Un show dont l’entrée restera comme LE moment phare. Une entrée sur « Droit Chemin », le générique de son tout premier album éponyme, droit comme un I, stoïque, face à la foule, comme un certain Michael Jackson. Durant ce concert, le public parisien a vu passer 10 guests sur scène et pas des moindres : Naza, Keblack, Dadju, Aya Nakamura, SDM, Champion Esthétique, Dany Synthé, Tayc, Mokobe et Youssou N’Dour. Tous avec plus ou moins de succès auprès de la foule. En somme, le concert fut une grande réussite et une belle fête. Les seuls couacs, le retard qu’a pris celui-ci à démarrer et la sortie de Fally incomprise par beaucoup. L’intéressé a publié une vidéo le lendemain pour présenter ses excuses aux personnes impactées par cela. Il expliquera que cela est dû à « des raisons indépendantes de sa volonté ».

Quoi qu’il en soit, direction Londres pour tout l’orchestre. Cette ville est tout de même particulière dans l’échiquier musical congolais actuel car elle est plus ou moins sous la dominance de l’afrobeat et des artistes anglophones. Les Londoniens étaient pour la grande majorité venus à Paris. Est-ce que cela empêcherait les Anglais de prendre à nouveau leurs billets ? Que nenni ! Voici Aigle qui entonne les premières paroles de « Service » devant 12 500 personnes, devenant ainsi le premier artiste congolais à se produire dans cette salle. La danseuse phare et star Jeny BSG fut presque aussi plébiscitée que lui, notamment durant la chanson Afsana. L’un des moments phares fut durant Mayday, un vibrant hommage a été rendu à Ya Néné ya Goma, ami de Fally, décédé d’un accident de la route quelques jours auparavant au Congo.

Bruxelles et le Congo, ce sont deux entités absolument indissociables. Si vous lisez la première phrase à haute voix, certains comprendraient « Bruxelles est le Congo. » et avec raison. La rivalité Paris/Bruxelles ou France/Belgique, dans un sens plus large, rend ce concert encore plus attendu que le précédent. La capitale de l’Europe sera-t-elle à la hauteur de son rang ? Le public belge sera-t-il au niveau du public parisien ? Pour ce concert, nous avions accès aux backstages et ce qui nous a frappés, hormis la présence surprise de Bercy Mwana, c’est la sérénité absolue qui émanait. Tant chez les danseurs basés en Europe que celles basées en Afrique, les musiciens étaient totalement détendus. Jeny, qui jouait à domicile, dégageait une assurance presque insolente. Comme s’il était question d’un énième workshop à Porte de Namur. La première partie était de très haut niveau avec Hulk van JMF, Ntaba2Londres et Fresh pour ne citer qu’eux trois. La foule était chauffée à blanc. Prête à recevoir leur idole. L’artiste est entré dans un style U Arenesque. Une instrumentale, les danseurs qui ouvrent la voie à leur leader qui arrive et se fige devant son public. Comme s’il se nourrissait de leurs cris et acclamations. Puis il a démarré sur « Control », morceau issu de l’album éponyme. Durant ce concert, nous avons senti un Fally Ipupa plus détendu, plus joueur, plus serein. Un concert sans aucun invité, juste lui et nous, une intimité partagée entre 15 000 personnes. Comme pour le concert à Nanterre, la salle a offert en guise de célébration une plaque à l’artiste et son équipe de management qui atteste la vente de la totalité des places possibles. Un concert avec des dédicaces, avec des medleys, des interactions avec le public plus nombreuses et un au revoir à la fin du concert. Pour toutes ces raisons mais également le choix de la setlist, le concert de Bruxelles se place comme LE concert de la trilogie. Un concert pour les puristes diront certains. Bruxelles était attendue au tournant et n’a pas déçu. La qualité du concert cumulée à l’ambiance mise par les fans à Paris aurait donné lieu à un concert mémorable, un concert faisant date dans l’histoire de la musique congolaise.

L’année 2024 est probablement placée sous le signe des inaugurations et nous n’en savions rien ? L’Adidas Arena de Paris fut inaugurée au sein des mélomanes congolais par Ferre Gola, trois mois plus tard, du côté de Lyon, Fally Ipupa s’en ira « inaugurer » la LDLC Arena. Tout un tas de spéculations ont eu lieu sur la toile durant le mois précédant le concert. Jouera-t-il ou ne jouera-t-il pas ? Quelle configuration va-t-il prendre ? Sold out ou pas ? Jenny paiera-t-elle les pots cassés de son beef avec Ika De Jong ? Les fans, mais surtout les détracteurs, ont commencé à annoncer à qui veut l’entendre que la salle avait une capacité maximale de 16 000 places sans pour autant prendre en compte le record d’affluence toujours en vigueur, à savoir 11 000 places. Nous avons eu le privilège d’assister à deux jours de répétitions avant le grand départ. Nous avions donc eu la chance d’écouter en premier le nouveau « cri » : Yuda a teka Yesu. Traduisez par : Judas a vendu Jésus.

Nous savions que le record ne tomberait pas ce jour-là mais est-ce qu’un concert n’est bon que si tous les sièges ont trouvé preneur ? Le spectacle était à la hauteur de l’événement, on peut en dire autant pour les tenues. Cela peut paraître comme un détail mais Fally se change beaucoup plus vite qu’avant, ce qui assure une fluidité intacte au spectacle. Les danseuses et animateurs prennent également plus de place, ce qui permet à chacun d’être membre effectif du concert. Les couplets de chaque chanteur sont attendus, les solos des danseuses sont plébiscités et les invités sont de retour ! Le public lyonnais a pu voir et partager ce moment historique avec Sam Payo, Montana Kamenga, René Lokua Soso ou encore Bendo Son.

L’Arkea Arena fut un concert retrouvailles pour beaucoup. De nombreuses personnes étaient déjà présentes à Paris en novembre dernier. Au sein de l’équipe de Fally, des questions se posaient sur la tenue de cette date à Bordeaux. Certains voulaient faire l’impasse dessus tandis que Efandjo lui-même tenait absolument au maintien de celle-ci. Le bilan qu’on peut en faire est relativement mitigé. La billetterie était loin d’afficher complet, il était possible d’acheter des billets au guichet juste avant le concert. Il était également possible d’acheter des billets avec le pass jeunes, ce qui a permis à énormément de jeunes de prendre part à ce concert. Différentes parties de la salle étaient fermées au public car non mises en vente.

Dans les évolutions louables, il y a la mise en place d’un système de merchandising directement en lien avec l’artiste. L’occasion pour tous de s’offrir une casquette ou un t-shirt à l’effigie de Fally Ipupa et de rendre ce 13 juillet encore plus mémorable. Mais les deux moments phares de ce concert furent les interprétations de « Double Clic » et « Kidiamfuka ». La salle a littéralement explosé à ces moments-là. Sur scène, on a senti un Fally beaucoup plus souriant qu’à l’accoutumée. L’occasion pour lui de dédicacer Guy2Bezbar et Rio Mavuba présents dans la salle mais aussi un tas de ses amis tels que Édo Mopatass (Nyokalesse, Orgasy), Patrick Bakala (Bakalos), Steve Loemba (SL) ou encore Zachary Bababaswe. D’ailleurs, l’entendre dédicacer son ami disparu Gauthier Ewing et sa femme durant « Bakalos » ou encore rendre hommage au père de BigZaga disparu il y a quelques jours, c’était beau.

En résumé, cette tournée est réussie. Le pari de commencer fort à Paris puis d’aller à la rencontre de ses fans dans différentes villes tout en écumant les festivals comme Les Ardentes et AfroNation est réussi. Rester dans l’actualité sans créer une sensation de satiété chez ses fans, c’est le choix qui a été fait. Le prochain défi de taille pour Fally Ipupa et son équipe est le double concert au Stade des Martyrs de Kinshasa. En faire un, c’est déjà un tour de force mais en enchaîner deux jours de suite, c’est une autre paire de manches. L’occasion aussi de se faire une répétition grandeur nature en vue du concert prévu au Stade de France en 2025.