Fin de la gratuité du CPF : quelles répercussions pour les travailleurs ?

6/5/2024

À partir du 1er mai, l'utilisation du Compte Personnel de Formation impliquera un paiement de 100 euros, indépendamment de la nature de la formation choisie. 

La mise en place de ce reste à charge s’inscrit dans le cadre du plan visant à réaliser les 10 milliards d’euros d’économies sur les dépenses publiques en 2024.

Selon le ministère des Finances, cette mesure permettra des économies d’environ 200 millions d’euros dès la fin de l’année.

Outre les enjeux en termes d’économies budgétaires, cette mesure représente une véritable révolution dans le domaine de la formation. Cette contribution pourrait influencer le choix des formations et même dissuader les individus aux revenus modestes d’y recourir.

Le CPF qu’est-ce que c’est ?


Le CPF, qui signifie Compte Personnel de Formation, est un dispositif permettant à chaque individu de se former tout au long de sa carrière. Il remplace le droit individuel à la formation (DIF) depuis le 1er janvier 2015.

Le CPF est accessible à tous les Français âgés d’au moins 16 ans (15 ans pour les apprentis).

Il s’adresse aux salariés du secteur privé, peu importe le type de contrat de travail, mais aussi aux demandeurs d’emploi indemnisés ou non. Les salariés du secteur public en bénéficient depuis le 1er janvier 2017. Ce dispositif a aussi été étendu aux travailleurs non-salariés, comme les artisans, les commerçants, les professions libérales et les exploitants agricoles, depuis le 1er janvier 2018.

Utilisable à tout moment de la vie professionnelle, y compris pendant le chômage ou pour une reconversion, le CPF permet de suivre des formations certifiantes, favorisant ainsi le développement des compétences professionnelles et l'évolution au sein de l'entreprise.

Il est important de souligner que le CPF est attaché à la personne et non à l'entreprise, ce qui signifie que le salarié conserve son crédit CPF en cas de changement d'employeur. Ce dispositif vise à offrir une réelle liberté dans le choix de son parcours professionnel.

Comment fonctionne le CPF ?


Le compte CPF, sauf cas particuliers, est alimenté entre 500 € et 800 € par année de travail à temps plein ou au moins à mi-temps, jusqu’à atteindre 5 000 € maximum. Une fois ce plafond atteint le salarié ne cotise plus et devra dépenser une partie de son CPF avant de pouvoir cotiser à nouveau.

D’un point de vue pratique, pour créer son compte personnel de formation il suffit de se connecter sur la plateforme sécurisée « Mon compte formation ». Pour des raisons de sécurité, l’identification a été renforcée depuis peu et il faut désormais passer par l’identité numérique pour pouvoir accéder à son espace personnel. 

Les « pour » et les « contre » le reste à charge :

Le gouvernement justifie ce reste à charge en avançant d’abord un argument économique. En effet, le coût des dossiers de formation a considérablement augmenté. Il s’agit donc de répercuter cette hausse.

Cette réforme s’inscrit également dans un contexte marqué par de nombreux cas de fraude. Et le gouvernement souhaite sécuriser davantage l’utilisation des fonds alloués au CPF et garantir qu’ils bénéficient réellement aux travailleurs pour leur développement professionnel.

Pour le patronat, tout comme pour le gouvernement, il s’agit aussi de limiter les comportements opportunistes en responsabilisant les salariés. Selon cette perspective, les 100 euros constituent « une somme symbolique pour responsabiliser les salariés » afin de pérenniser le dispositif.

En revanche, les organisations syndicales expriment leur désaccord et critiquent vivement cette décision. Selon eux, ce reste à charge va frapper durement les salariés à faible revenus, alors même que ce sont eux qui ont le plus besoin de se former.

Force Ouvrière dénonce la priorité accordée aux considérations économiques du gouvernement au détriment du droit à la formation professionnelle des travailleurs.

De son côté la CGT, affirme que cette mesure pénalisera les salariés les plus vulnérables, ceux dont les salaires sont déjà insuffisants pour assurer un niveau de vie décent.

Même Muriel Pénicaud, l’ancienne ministre du Travail à l’origine de la loi de 2015 instaurant le CPF, critique cette décision, la qualifiant d’injustice sociale.

Le reste à charge sur le CPF des salariés : un obstacle à la formation ?

Même si quelques exceptions existent notamment pour les demandeurs d'emploi qui pourront échapper à ce reste à charge, cette mesure semble particulièrement toucher les individus les plus vulnérables. 

Alors que les ouvriers et les employés représentent 70 % des bénéficiaires des formations dispensées grâce au CPF, cette même catégorie se trouve être la moins bien informée sur les dispositifs de formation, selon le dernier baromètre de Centre Inffo. Dans ce contexte, l'introduction de ce reste à charge menace la possibilité pour ces travailleurs de se former et de choisir librement leur avenir professionnel.

Une alternative aurait pu consister à réserver cette contribution aux formations non orientées vers le domaine professionnel. Plutôt que de contrôler la demande par le biais d’un reste à charge, il aurait été plus judicieux de contrôler l'offre de formation financée par le CPF. Sur la plateforme gouvernementale « Mon Compte Formation », on recense près d'un million de sessions certifiantes, parmi lesquelles certaines certifications peuvent avoir une orientation plus récréative que professionnelle. Il est donc essentiel de sélectionner rigoureusement les formations ayant une réelle valeur professionnelle, afin de concentrer les ressources sur des organismes accrédités et certifiés, favorisant ainsi l'employabilité et la professionnalisation des individus.