Justice pour Nahel, on fait le point

8/23/2023

Près de deux mois après l’homicide de Nahel par un policier à Nanterre, on fait le point sur l’enquête et les procédures adjacentes…

L’enquête

Jour d inauguration, le 12 avril 2019, du centre pénitentiaire rénove de La Santé. (Photo by Arthur Nicholas Orchard / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP)

Mis en examen pour homicide volontaire et placé en détention provisoire le 29 juin dernier, Florian M., le policier ayant tué Nahel avait demandé sa remise en liberté le 6 juillet. Cette demande a été rejetée par la Chambre d’instruction. Il avait, par la suite, fait appel de la décision le 1er août, mais la détention provisoire a été confirmée par la chambre d’instruction le 10 août.

Cette décision a été annoncée par la Cour d’Appel à travers le communiqué suivant : « La chambre de l’instruction de Versailles a, conformément aux réquisitions du parquet général, confirmé l’ordonnance de rejet de demande de mise en liberté ».

Enfin, son avocat, Laurent-Franck Lienard avait annoncé à l’AFP former « un pourvoi en cassation », estimant que « cette détention est illégale : elle n’est pas justifiée en droit ni en fait ».

La cagnotte de la honte :

France, Valence, 2023-07-04. (Photo by Nicolas Guyonnet / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP)

Suite à la cagnotte lancée par Jean Messiha en soutien au policier qui a tué Nahel, la famille de ce dernier a porté plainte pour « escroquerie en bande organisée, recel d’escroquerie en bande organisée, détournement de finalité d’un traitement de données à caractère personnel et recel de détournement de finalité d’un traitement de données à caractère personnel ».

Jean Messiha

Dans la foulée, le Parquet a fait savoir le 19 juillet qu’une enquête avait été ouvert concernant cette cagnotte lancée le 29 juin et clôturée le 4 juillet.

La famille et les proches de Nahel reprochent à Jean Messiha, l’instigateur de la cagnotte à 1,6 million d’euros, d’avoir publiquement menti sur l’adolescent en le décrivant comme un « multirécidiviste » tout en dressant un portrait héroïque du policier dans le but de tromper les donateurs afin de récolter des fonds. Ils l’accusent également d’avoir relayé sur Twitter « des informations qui seraient issues du fichier du traitement des antécédents judiciaires de Nahel » dans le but de le « criminaliser ».

Si on additionne l’ensemble des infractions, l’ancien porte-parole d’Eric Zemmour pourrait écoper d’une peine de 10 ans de prison et un million d’euros d’amende.

Les émeutes :

L’homicide de Nahel a été le déclencheur de plusieurs nuits de révoltes urbaines en France qui ont été marquées par des scènes de pillage, d’incendies ou encore de tirs de mortiers sur des écoles et autres bâtiments publics.

Tribunal de Bobigny

À la suite des émeutes, plus de 3 600 personnes ont été placées en garde à vue conduisant à de nombreuses comparutions immédiates polémiques. De nombreuses peines de prison ont été prononcées y compris à l’encontre des prévenues au casier judiciaire vierge.

Entre le 27 juin et le 7 juillet, au tribunal de Bobigny, 530 gardes à vue ont été traitées, 132 personnes déférées, dont 47 % de mineures. Ce bilan impressionnant répond à une circulaire du ministère de la Justice appelant à réponse judiciaire « rapide, ferme et systématique ».

Alors que des jeunes subissent des peines complètement disproportionnées, d’autres sont relaxés parce que la version de la police ne convainc pas.

C’est le cas, notamment de Mohamed, Mehdi et Hassan (info Bondy Blog)qui comparaissent pour des faits de violences en réunion envers trois policiers de la BAC de Gagny (93) et de « destruction par incendie » en mettant feu à des poubelles dans la nuit du 29 juin.

Après cinq semaines de détention provisoire, les trois jeunes hommes ont été relaxés de l’ensemble des faits qui leur ont été reprochés, le vendredi 4 août suite à l’absence d’éléments probants étayant la thèse policière.

Cette affaire est révélatrice de l’emballement politico-judiciaire qui a suivi l’homicide de Nahel. À l’aide de chiffres spectaculaires et de grands discours télévisuels, les ministres de la Justice et de l’Intérieur se sont félicités de cette réponse judiciaire « rapide, ferme et systématique ». Tandis que l’opposition de gauche et de nombreux acteurs publics ont interpellé sans succès le gouvernement sur la dangerosité de cette justice à la chaîne bafouant les droits des prévenus.

Famille et commémoration :

Nanterre (Hauts-de-Seine), le 1er août. La fresque à l’effigie de Nahel M., 17 ans, tué par un policier le 27 juin après un refus d’obtempérer, a été réalisée au cœur du quartier du Vieux-Pont, où l’adolescent a grandi.

Le 22 juillet dernier, à Nanterre, une fresque en sa mémoire a été réalisés au cœur de son quartier « Le Vieux-Pont » sur un terrain abandonné. Cette dernière a été faite par deux artistes originaires de ce quartier, lors d’une journée de commémoration entouré de jeunes.