L’art comme moyen de résistance : Le vernissage d’Assa Traoré dévoile la réalité des violences policières.

6/6/2024

Le vernissage d'Assa Traoré, tenu les 4 et 5 mai 2024 à l'université Columbia Global Centers Paris, utilise l'art comme moyen de résistance. L'exposition, axée sur les manifestations et les violences policières, mêle œuvres d'art poignantes et discussions avec les militants pour sensibiliser le public. Cette initiative vise à mobiliser pour la justice et l'égalité.

Nous sommes le 5 mai, à l’université Columbia Global Centers Paris.

À l'entrée du vernissage d'Assa Traoré, une grande banderole arbore en lettres noires « Justice pour Adama, justice pour tous, le combat continue », illustrée par des poings levés et le visage de ce dernier. En franchissant le portail, nous sommes accueillis chaleureusement par les membres du comité Adama, le groupe d'activistes qui lutte contre les violences policières. À l'intérieur, une multitude d'œuvres d'art et de documents exposés, accompagnés de la musique douce d'un piano, renforcent la vive émotion ressentie par les visiteurs. Les gens se plongent dans leur bulle, lisant les articles de journaux ou observant les œuvres sur les murs. Cette exposition de photographies axée sur les manifestations et les violences policières en France est accompagnée d'une discussion en présence d'Assa Traoré, du comité Adama et de l'équipe Génération Leader. L’art est utilisé ici comme moyen de résistance.

Assa Traoré, la sœur d'Adama Traoré, décédé en 2016 entre les mains des gendarmes, a transformé cette tragédie familiale en une quête pour la justice et l'égalité. Elle explique : « Nous croyons en un monde meilleur. Mais nous savons qu'il n'existera jamais si nous ne nous retroussons pas les manches tous ensemble. » Assa et le comité Adama travaillent chaque jour pour sensibiliser, mobiliser et dénoncer les violences policières. L'association a lancé le programme « Génération Leader » pour former une nouvelle génération d'activistes, sous le parrainage du docteur Denis Mukwege. Ce programme vise à donner aux militants les moyens d'agir de manière collective pour que l'égalité ne soit plus une simple intention politique mais une réalité vécue.

À droite de l'entrée, une affiche sur un chevalet proclame en noir et blanc « Black Lives Matter ». Autour du message central, des silhouettes sans visage représentent les nombreuses victimes de violences policières. Leurs noms sont inscrits, du tragique décès d'Adama Traoré en France à celui de George Floyd aux États-Unis. Ce collage poignant symbolise la solidarité internationale et rappelle que toutes les victimes ne sont pas recensées ici, mais que l'ampleur du problème transcende les frontières.

Les murs sont ornés de photographies, prises par divers médias, qui retracent les manifestations et les rassemblements en hommage à Adama Traoré. Ces images parlent d'elles-mêmes : des foules de militants défilant avec détermination et solidarité, tenant des pancartes « Justice pour Adama », expriment à la fois la douleur de la perte et l'espoir d'une lutte commune.

Par ailleurs, l'œuvre de Sally, membre de Génération Leader, s'inspire de la dernière audience au tribunal concernant la mort d'Adama Traoré et se démarque par sa représentation audacieuse d'Assa Traoré en super-héroïne, symbole de détermination et de justice, défiant les autorités judiciaires, fixant le juge droit dans les yeux. Assa se tient au premier plan, les bras croisés, avec un sac arborant l'inscription « Justice pour Adama ». Derrière l’œuvre, un QR code permet d'accéder directement aux déclarations de l'avocat Yassine Bouzrou, qui dénonce l'attente scandaleuse de huit ans pour que la justice admette enfin un lien entre la mort d'Adama et l'intervention policière.

En haut à droite de l'affiche, le juge demande : « Maître Yassine Bouzrou, un commentaire ? », auquel l'avocat répond que c'est « C’est scandaleux d'avoir dû attendre huit ans pour que la justice reconnaisse cette évidence ».

En bas, un texte explique l'importance du verdict de la cour d'appel de Paris, qui établit un lien de causalité entre la mort d'Adama et les violences policières : « L’audience a commencé avec une heure de retard. Il s’agit d’une victoire immense pour la famille d’Adama Traoré. Le parquet général admet un lien de causalité entre sa mort et les violences commises lors de son interpellation. »

Sally explique l'impact émotionnel de cette décision : « J'ai pris conscience qu'Assa se bat pour son petit frère, mais aussi pour que le mien reste en vie. » Elle voulait marquer le coup en créant cette affiche, pour célébrer cette victoire dans un long combat pour la vérité. « C'était un moment chargé en émotion, car c'était la première fois que la justice admettait le lien entre leur intervention et son décès. » Sally espère que son affiche permettra de perpétuer la cause d'Assa Traoré en incitant à la réflexion et à l'action, en partageant cette image dans les rues de Paris.

Ces œuvres reflètent clairement la résistance contre les violences policières, elles transmettent des messages de colère, de solidarité et d'appel à l'action. Elles évoquent les émotions ressenties par les militants et les familles des victimes : la douleur, le deuil, l'espoir et la volonté de voir un changement.

Enfin, en sortant de l'exposition, les visiteurs découvrent un stand proposant des t-shirts « Justice pour Adama » ainsi que des posters illustrant le même message. L'un des posters présente des tons vifs et un design élaboré, tandis que l'autre offre une photographie plus sombre des manifestations. Ces derniers servent la cause en donnant aux visiteurs l'occasion de partager ces messages ou de les afficher chez eux.

Face aux œuvres, les visiteurs restent silencieux, touchés, émus. Certains pleurent, d'autres restent immobiles, absorbés dans une émotion partagée. Des murmures circulent, et quelques personnes s'enlacent en signe de solidarité. Cette exposition encourage la réflexion et la prise de conscience. Un membre de Génération Leader confie : « Je me disais qu'Adama avait peut- être une responsabilité dans sa mort. Mais en me renseignant mieux et en parlant avec Assa, je me rends compte que non, il était innocent et la police l'a tué. » D'autres ajoutent leur peur quotidienne pour leurs frères et sœurs, et leur sentiment que la police devrait les protéger, pas les cibler.

Cette exposition a non seulement permis de sensibiliser sur la réalité des violences policières en France et ailleurs, mais a aussi offert un espace de solidarité et de réflexion. Elle met en lumière la capacité de l'art à agir comme un outil puissant de résistance et de mobilisation. Malgré les discours médiatiques parfois biaisés, les témoignages directs des militants et des familles exposés ici offrent un contre-récit essentiel, permettant de mieux comprendre la réalité sur le terrain et la nécessité de poursuivre le combat pour la justice.