Depuis la sortie de la COVID, le gospel congolais ne cesse de prendre du poids et de l’ampleur, s’attaquant désormais aux plus grandes salles de France.
Faisons ensemble l'état des lieux d’un genre musical à part entière.
Depuis 2020, une flopée d’artistes congolais, pour beaucoup issus de la diaspora, se sont révélés et confirmés comme étant LA nouvelle génération du gospel congolais. Finie l’époque où il fallait nécessairement être auréolé d’un titre au sein de son église pour être un artiste à succès. Aujourd’hui n’importe qui, ou presque, peut être artiste chrétien, il lui suffit d’être artiste et chrétien. Ajoutons à cela le fait qu’être chrétien dans les années 2020, c’est devenu plus simple à assumer devant tout le monde. Les nombreuses déclarations d’Olivier Giroud, les multiples déclarations de foi de Neymar bien qu'antérieures aux années 2020, viennent l’attester.
Mais en clair, comment définir cette génération ?
Tout d’abord, il s’agit d’une génération dans laquelle la plupart des artistes émergents se connaissent personnellement. Ils ont eu leurs débuts au même moment, ont mangé le même pain noir, mais également eu les mêmes mentors. Par ailleurs, c'est est une génération qui fait partie elle-même d’une génération étant fière de son métissage culturel. Que ce soit grâce à l’éducation, au genre de musique écouté ou encore aux codes du milieu dans lequel ils opèrent. C’est comme cela que l’on se retrouve avec des sons que certains aiment appeler de manière presque péjorative « rap-chrétien ». C’est aussi une génération qui a grandi pendant les exploits de groupes légendaires de la République Démocratique du Congo comme Wenge Musica Maison Mère ou encore Quartier Latin, pour ne citer qu’eux. Encore une fois, ce métissage musical est le propre de cette génération et c’est ce qui plait ! Le public chrétien a désormais la sensation que lui aussi, il a le droit à des « sebenes » aux mélodies entrainantes.
Maintenant que nous l’avons définie, que fait-elle ?
En vérité, rien de nouveau, ou presque. Elle est la génération des SHINE GOSPEL AWARDS, la toute première cérémonie de remises de récompenses dans le gospel francophone. La première édition avait eu lieu devant un parterre de gens. En fin d’année, devant environ 3 600 personnes à Croissy Beaubourg. À titre de comparaison, l’Olympia, situé dans le 9ᵉ arrondissement de Paris, a une capacité de 1996 personnes. À mon sens, la salle qui symbolise ce renouveau, c’est le Théâtre du Blanc-Mesnil. Cette salle est devenue presque LA salle des concerts chrétiens. Chaque concert là-bas est à noter d’une croix blanche dans la carrière de ces artistes, que ce soit NK Divine, Josué S Domingos, ou encore David Izé qui s’y produira le vendredi 3 mai 2024.
Et puisque l’on parle de concerts, parlons-en correctement ! Voici quelques concerts à retrouver prochainement :
- David Izé, le vendredi 3 mai à 19 h, au Théâtre du Blanc-Mesnil.
- Déborah Lukalu, le vendredi 10 mai à 18 h, au Zénith de Paris.
- Olivier Kalabasi, le dimanche 19 mai à 18 h, à l’espace Lumen de Bruxelles.
- Dena Mwana, le samedi 25 mai à 20 h, à la Salle Pleyel, à Paris.
- Yvan Music & QO, le samedi 8 juin à 17 h, à l’espace Lumen de Bruxelles.
- Josué S Domingos, le samedi 31 août à 17h, à l’espace Lumen de Bruxelles.
- NK Divine, le vendredi 27 septembre à 20h, au Zénith de Paris.
Il y en a encore pleins d’autres, mais si j’ai voulu m’attarder sur ceux-là c’est parce que chacun d’eux a une histoire absolument superbe à raconter.
Commençons par le premier. David Izé, fort d’une expérience avec Maajabu Gospel, qui a produit son dernier album. L’auteur de « Na ndimi » est plus qu’attendu à Paris. Lors la conférence de presse, il me disait qu’il avait hâte de rencontrer le public parisien et que celui-ci l’accompagne dans cette « Atmosphère ». C’est d’ailleurs le nom qu’il a donné à son album enregistré en live, il se passe toujours quelque chose de différent, quelque chose que l’on souhaite vivre, expérimenter et non pas que l’on nous le raconte. C’est tout l’enjeu de ce concert "L’Atmosphère".
Pour Déborah Lukalu, c’est un rendez-vous avec l’Histoire. La sienne, celle des femmes dans la musique congolaise et celle du gospel congolais. La sienne parce qu’enfin, elle joue dans cette salle. Enfin, ce concert a lieu. Après le report, les insultes, les polémiques, l’attente, la frustration, enfin, elle peut faire ce qu’elle sait faire de mieux, de la musique en live. Celle des femmes dans la musique congolaise parce qu’elle deviendrait la toute première artiste féminine à être en tête d’affiche au Zénith de Paris, depuis 1988 et la légendaire Abeti Masikini. Elle sera d’ailleurs la toute première à l’être dans le milieu gospel. C’est une prouesse qu’il faut absolument louer quand on sait à quel point il est difficile pour une femme d’exister dans la musique congolaise et encore plus d’être une star. Et enfin celle du gospel congolais parce qu’elle ouvre la saison des Zéniths. Après elle, s’en suivra Mike Kalambay, toujours au mois de mai et au mois de septembre NK Divine conclura. Elle sera celle qui annonce le retour du gospel dans cette salle que les mélomanes de la musique congolaise aiment tant. Une vingtaine d’années après les Princes de la Paix, c’est elle qui aura le poids immensément lourd du drapeau congolais sur ses épaules.
Comme on parle du Zénith de Paris et des Princes de la Paix, parlons d’Olivier Kalabasi. Bien qu’il ne fasse absolument pas partie de cette génération, il a réussi la prouesse de se réinventer années après années et albums après albums. Après un concert réussi à Paris, en décembre dernier, c’est à la capitale de l’Europe qu’il s’attaque. Là aussi, il sera le premier, mais non pas des moindres, à y jouer puisque Yvan & Qo ainsi que Josué S Domingos l’imiteront quelques mois plus tard.
Musicalement, que vaut cette génération ?
À TRUSTMAG, nous n’avons pas (encore) de critique musical. Donc, la réponse à cette question n’existe pas vraiment. Néanmoins, vous, lecteurs, pouvez y répondre.
Penchons-nous sur l’actualité à proprement parler musicale. Gloire Grace vient de sortir son album « À cœur ouvert ». C’est un album dans lequel chaque phrase de chaque couplet est écrite de manière à ce qu’une personne, peu importe sa condition, puisse être touchée par le message derrière. Mais c’est également un album avec des instrumentales sur lesquelles divers artistes ne faisant pas du gospel pourraient poser. Sur un morceau comme «Pourquoi», j’aurais bien vu Hiro et Joe Dwet File ou même un Bramsito et c’est ça qui fait la force d’un ou une artiste. Être capable de s’adapter, à son ère, mais à son public. Ce qu’elle a particulièrement réussi durant cet album. On ressent, encore une fois, tout le métissage musical qu’elle possède et elle nous démontre qu’elle sait le retranscrire. Ce qui fait également la force de ce projet, ce sont les thématiques. Il est question, sur quelques morceaux, ici de trahisons, de dépendance affective, de se pardonner à soi même, de violences psychiques, verbales ou physiques. Tant de sujets qui frappent de plein fouet notre jeunesse et qui ne sont jamais abordés par les générations d'au-dessus. Cela permet donc à ce jeune public de s'identifier encore plus et donc d'être moins réfractaire à l'écoute du message derrière la chanson.
Josué S. Domingos a sorti « Royalty » au début du mois d'avril, qui est la suite de son précédent album, « Renaissance » une démonstration de sa palette technique. Une palette diversifiée et qui tend à être de plus en plus efficace. La plus-value de cette génération, c'est qu’elle a plus ou moins l’âge des gens qui les écoutent. Ce qui signifie qu’elle est plus proche des réalités de son public. Ce qui permet à ce public de s’identifier plus facilement dans ces paroles et donc être touché par le message derrière. Ce n’est pas toujours évident de se sentir touché par les chansons de José Nzita ou FR Mente lorsque l’on a 13, 14 ou 21 ans. C’est également pour cela que les jeunes fans de la génération d’artistes dont on parle est moins encline à écouter ou aller aux concerts de gens comme Mama Micheline Shabani, Matou Samuel, etc.
NK Divine qui apparait comme la figure de proue de cette génération, est celui qui a réussi à trouver le meilleur équilibre. Il a réussi à faire ce que tout le monde dans le monde chrétien, musicien ou non voudrait faire : jouer avec les règles et les codes de la musique populaire pour y faire parvenir son message. En signant avec une maison de disque de la trempe de Warner, l’interprète de Ye Yo brise ce plafond de verre qui voulait que la musique gospel congolaise devait rester à certains endroits, passer uniquement sur certains médias et avoir un certain modèle économique. La signature en distribution exclusivement est un excellent tour de force, car elle lui permet de faire passer son message sans crainte d’être censuré et/ou que l’on interfère dans son processus de création. Il vous donne d'ailleurs rendez-vous ce samedi 5 mai à 16h précises à la FNAC de Bercy-Village pour une release party.
Cependant, tout n’est pas complètement rose et ensoleillé non plus puisque cette génération est également la génération de la libération de la parole, la génération #MeToo, la génération #IWas.
Certains artistes de cette génération en ont fait les frais comme Noé Gambela, accusé à multiples reprises de viols et d’agressions sexuelles par différentes femmes. Difficile de jauger l’impact de ces accusations sur sa carrière, néanmoins, il serait hypocrite de dire qu’il est bien vu ou sans impact que de s’afficher avec l’artiste. Artiste qui continue à œuvrer dans sa musique et dans son ministère puisqu’il est actuellement prophète. Rappelons malgré tout, bien qu’au sein de TRUSTMAG plus qu’ailleurs, nous donnons une place et considération immense aux paroles des victimes, il est de notre devoir journalistique que de rappeler que Noé Gambela est aujourd’hui innocent, jusqu’à déclaration contraire de la part de la justice.
En clair, le gospel congolais se porte bien. Très bien. Pas sur tous les aspects mais c’est comme partout.