Les femmes noires, les cibles facile du cyber harcèlement

2/3/2025

Tandis qu’on reproche à l’une de se taire, on reproche à l’autre de trop se montrer . Deux femmes noires de la scène médiatique française, Angélique Angarni-Filopon, Miss France 2025, et Ebony, candidate de la Star Academy, sont victimes de cyber harcèlement depuis plusieurs jours. 

À l’occasion du 10ᵉ anniversaire de l'attentat contre Charlie Hebdo qui a eu lieu le 7 janvier 2015. Miss France 2025, invitée dans les locaux de Sud Radio, a refusé de se prononcer face à la question « Vous êtes Charlie ? » posée avec insistance par le journaliste Gilles Ganzmann. Bien qu’Angélique semblait très gênée de la situation, la phrase « Je ne me prononce pas » n’est pas passée inaperçue. Cette neutralité a suscité de nombreuses réactions sur les réseaux sociaux, alimentées par la caricature humiliante de Charlie Hebdo sur X, où l’on y voit des mollahs qui portent une pancarte « Je suis Miss France » , sous-entendant que les chefs religieux soutiennent Miss France, ainsi que l’invitation à la déchéance de sa nationalité française par le créateur de contenu Bastos pour ne pas s’être exprimé sur le sujet. La jeune martiniquaise a rapidement publié un communiqué sur Instagram afin de revenir sur ses propos et d’expliquer sa non-prise de parole par sa fonction de Miss et son devoir de rester neutre sur certains sujets pour éviter tout malentendu ou susciter toute controverse, mais sans effet. 

En parallèle de ça,c’est à l’intérieur des murs du château de l’émission Star Academy diffusée sur TF1 qu’une autre femme noire essuie les remarques haineuses de la part des internautes. Ebony, 20 ans, candidate phare de la saison, est victime depuis plusieurs semaines de cyberharcèlement. L’article du 19 janvier de Mediapart décrit à ce sujet :« Des tombereaux de critiques et d’injures au racisme plus ou moins dissimulé visent l’apprentie chanteuse […] Prime après prime sur Facebook, X ou TikTok […]. » Le personnage d’Ebony dérange de par sa couleur de peau : elle a été comparée à un “macaque” ou à une “guenon”, d’après les commentaires rapportés par la chaîne Guadeloupe 1ere, et de par sa personnalité qui en ferait trop. Ebony chante trop fort, elle s’affirme trop et est trop arrogante, trop sensuelle. Fille du chanteur de zouk guadeloupéen Thierry Cham, elle n’a pas peur de revendiquer son identité en portant avec fierté ses cheveux afro en prime time et de choisir son autre concurrent Franck, né au Congo, pour la demi-finale de la compétition qui a eu lieu le 18 janvier. A travers ce choix symbolique, on comprend qu’elle s’assure de maintenir une visibilité sur les personnes noires du programme jusqu'à la fin.

Devant l’ampleur du nombre de commentaires de haine, le président du comité de miss france a décidé de prendre la parole le 17 janvier 2025. Il dénonce une polémique d’une violence inouïe et craint pour la sécurité d’Angélique à la suite des dessins de Charlie Hebdo. Il souligne par ailleurs, au Parisien, qu’elle prend “cher”, qu’elle “prend beaucoup” depuis le 14 décembre (date de son élection). Les critiques sur son âge et les propos injurieux, voire racistes ont commencé dès sa victoire au concours, ce qui a valu au comité Miss France de condamner fermement, une première fois, les propos dans un post sur le réseau social instagram. TF1, de son côté,  à publié un communiqué, le 23 décembre 2024  pour s’insurger  contre les messages haineux et rappeler la loi. Celui-ci ne mentionne pas directement Ebony mais bon nombre de personnes y ont vu un lien. 

La haine à l’encontre des femmes noires n’est pas nouvelle, elle fait d’ailleurs l’objet d’un nom, la “misogynoir”. Ce terme, inventé en 2008 par la chercheuse et militante américaine Moya Bailey, désigne la double discrimination, sexiste et raciste, que vivent les femmes noires dans la société. Cette violence à l’égard des femmes noires se reflète particulièrement sur les réseaux sociaux. En 2023, l’ONG britannique Glitch, qui lutte contre le harcèlement en ligne et souhaite faire d’internet une safe place pour tout le monde, rapporte que 20% des messages toxiques sur internet visaient les femmes et plus de 9000 d’entre eux étaient envers les femmes noires. Tout ceci vient mettre en lumière la façon dont les femmes noires sont plus susceptibles d’être visées que les femmes blanches.  

En France, le traitement d’Ebony face à sa concurrente blanche, Marine, massivement soutenu, ou encore d’Angélique Angarni Filopon et la première dauphine du concours dont la petite sœur partageait et likait sur Tik Tok des publications dénigrant la Miss, est un des nombreux cas de ce phénomène. La modération des plateformes pour limiter et prévenir la haine manque d’efficacité et des vagues de haine continuent d’être appliquées pour silencer et nuire aux femmes noires. « Hateful tropes continue to be used and harm black women »” selon le rapport de Glicth.

Cependant, de nombreuses personnes dans les Antilles, d'où sont originaires ces deux femmes, et dans l’hexagone sont mobilisées pour stopper et dénoncer le racisme envers elles.  Angélique peut compter sur le soutien de ses fans ainsi que celui de ses consœurs telles que Eve Gilles et Vaimalama Chaves. 

Le public d'Ebony appelle à serrer les rangs derrière elle, une pétition intitulée "Stop au racisme banalisé contre Ebony, candidate de la Star Academy 2024/2025" circule et recueille 5000 signatures à ce jour d’après Médiapart. De plus, des messages et des vidéos d’appel au vote se répandent comme une traînée de poudre sur la toile. Très peu ont pu passer à côté. Des grosses célébrités comme l’actrice Firmine Richard la soutiennent publiquement : “ Les Antilles sont avec toi ” dit-elle en direct sur TF1.  Un véritable comité de soutien a été mis en place autour de la jeune chanteuse sur les réseaux sociaux. À présent que la Star Academy ouvre ses votes pour les outre-mer, nous restons à l'affût de la finale de l’émission opposant Marine et Ebony ce samedi 25 janvier.