Le 22 avril 2025 aura lieu le premier concert caritatif en faveur des enfants victimes collatéraux de la guerre en République Démocratique du Congo. Un concert qui, dès son annonce, a suscité de nombreuses interrogations, tant les zones d’ombre entourant l’événement étaient nombreuses.
Initialement prévu le 7 avril, cette date a provoqué une vive émotion au sein de la communauté rwandaise, qui a alors revendiqué publiquement — au-delà de son cadre diasporique — la symbolique de ce jour. C’est ainsi que beaucoup ont découvert que le 7 avril est la Journée internationale de réflexion sur le génocide des Tutsis au Rwanda. Une polémique éclate alors, entraînant le retrait de l’UNICEF :
« L’UNICEF ne recevra aucune recette de l’événement et aucune personne associée à l’UNICEF ne participe au concert. »
L’organisation onusienne, attachée aux principes humanitaires de neutralité, d’impartialité et d’indépendance, refuse de s’associer à un concert caritatif organisé le jour de la commémoration du génocide de 1994 au Rwanda. Angélique Kidjo, ambassadrice de bonne voolonté de l’UNICEF, se retire également du projet, face à la décision des organisateurs de maintenir, dans un premier temps, la date du 7 avril.
Ce positionnement semble logique de prime abord, mais il est essentiel de considérer le contexte : le conflit permanent entre la RDC et le Rwanda depuis la fin du génocide et la Première guerre du Congo. Les relations entre les deux pays sont explosives, et la décision des autorités françaises de suspendre l’événement à cette date résonne pour la diaspora congolaise comme un camouflet, à peine dissimulé, envers une guerre qui ravage l’Est de leur pays depuis plus de vingt ans.
Le retrait de l’UNICEF, remplacée par l’association « Give Back Charity » du chanteur Dadju, est peut-être mieux accueilli, compte tenu de la réputation de l’UNICEF auprès de la communauté congolaise. Une communauté qui semble aujourd’hui davantage prête à s’investir dans la promotion de cet événement.
En attendant la nouvelle date, Patrick Muyaya, porte-parole et ministre de la Communication en RDC, s’exprime non pour parler de changement de narratif, mais bien pour défendre l’événement :
« C’est un événement de solidarité qui ne peut pas être politisé… la date du 7 avril avait été choisie en fonction de la disponibilité des artistes, donc c’est une coïncidence. »
Il insiste sur le fait qu’il s’agit d’une initiative humanitaire, apolitique. Pourtant, comme on le dit souvent : « tout est politique », et comme l’écrivait Platon : « Si vous ne vous occupez pas de la politique, la politique s’occupera de vous. » Difficile donc de ne pas questionner la sincérité d’un gouvernement qui peine lui-même à agir concrètement pour son peuple.
On se retrouve ainsi face à un événement présenté comme apolitique, ayant pour but de récolter des fonds pour venir en aide à des enfants victimes de conflits profondément politiques et géopolitiques.
Après plusieurs jours de confusion, l’équipe organisatrice convoque la presse à l’hôtel Pullman à Paris pour une conférence destinée à clarifier certains points.
Par la voix de leur avocat, Maître Mbeko Tabula, ils expliquent qu’il s’agit d’un geste volontaire pour apaiser la situation, et que la nouvelle date, celle du 22 avril, a été choisie en concertation avec leurs partenaires directs, la mairie de Paris et l’Accor Arena.
Lorsqu’interrogés sur l’implication de la diplomatie congolaise, ils bottent en touche et maintiennent fermement le caractère « apolitique » de l’événement.
Ce qui a interpellé Grace Lokimbango, secrétaire générale du CEFOCK (Les élu·es français·es d’origine Congo-Kinshasa en France), qui rappelle qu’on ne peut qualifier d’apolitique un événement lié à un conflit où la politique est omniprésente. Elle souligne également :
« Si on ne s’occupe pas de la politique, la politique s’occupera de nous. »
Les organisateurs sont restés campés sur leur position, affirmant que ce n’était pas « l’essence » du concert. Ils précisent également que l’objectif est non seulement de récolter des fonds pour les enfants victimes du conflit, mais aussi de mettre en lumière cette guerre dramatique qui décime la population de l’Est de la RDC, aujourd’hui partiellement occupée par la coalition AFC/M23.
Côté artistique, une question demeure :
Le rappeur Gradur, connu pour son engagement en faveur du Congo, sera-t-il de la partie ? Pour l’instant, rien n’est certain : il ne figure pas sur le line-up présenté et n’a fait aucun commentaire public. Son absence, ainsi que celle d’artistes comme Naza ou Kalash Criminel, pourrait susciter des critiques, eux qui sont souvent les porte-voix de la diaspora congolaise et de la lutte pacifique pour la paix au Congo.
Malgré ces interrogations, il faut reconnaître la mobilisation d’un large panel d’artistes de la diaspora et du Congo, toutes générations confondues, pour ce concert du 22 avril. Une mobilisation qui prouve l’envie de ces artistes de donner de la voix pour la paix au Congo, eux qui sont souvent critiqués pour leur silence sur ces questions.