LUMUMBA : MARTYR HÉROÏQUE

11/15/2023

Voici le Mouvement National Congolais

Après la Seconde Guerre Mondiale, un bouleversement des mentalités au Congo Belge et dans toute l’Afrique coloniale se fait. Il y a, par conséquent, un mouvement d’émancipation coloniale qui se fait de plus en plus pressant. Cela pousse, notamment, les Anglais à accorder l’indépendance au Ghana en 1958. Ghana qui organise la Première Conférence Panafricaine, où Kasa-Vubu, Lumumba et d’autres politiques congolais se rendent.  Une conférence qui a forgé et renforcé la volonté d’indépendance et d’émancipation des peuples colonisés comme les congolais.

Conférence Panafricaine d’Accra, 1958

Des congolais subissant  depuis des années oppression, répression, sévices corporelles qui ont consolidé cette révolte naît de l’imposition brutale de la culture européenne et du mépris de la culture congolaise par l’administration coloniale.

En 1958, l’exposition universelle de Bruxelles donne une image plus que néfaste des congolais. Une image que Patrice Lumumba invitait à l’exposition avec d’autres « évolués » désapprouve, le poussant à s’éloigner des libéraux belges et se rapprocher des anti-colonialistes belges. Un rapprochement qui donne une impulsion plus forte à la création de son mouvement Nationale Congolais. Lumumba est clairement pour la création d’une nation unie après la proclamation de l’indépendance, ce qui tranche avec le fédéralisme prôné par l’Abako de Kasa-vubu.  En 1959, une scission s’opère au sein du MNC entre les modérés menés par Albert Kalonji et les alliés de Lumumba . Il y a dorénavant deux MNC, celui de Lumumba et celui de Kalonji.

Une année auparavant, les mouvements politiques hors de l’administration coloniale voient le jour et sont parrainés par ceux de Belgique, ce qui explique le rapprochement de Lumumba avec les mouvements anti-colonialistes.

Lumumba, indispensable

Patrice Emery Lumumba

À ce moment- là, Patrice Emery Lumumba est déjà dans le rétroviseur de l’administration coloniale tant la lumière autour de lui se fait de plus en plus grande. Il n’est d’ailleurs pas épargné lors de la répression en 1959. En effet, en Janvier 1959, ont eu lieu les émeutes de Léopoldville ( Kinshasa) dues à la répression des mouvements nationalistes comme le MNC ou L’ABAKO qui est dissoute.  En octobre de la même année, le MNC de Lumumba est la cible de l’administration coloniale puisque vu comme leader de la tendance « extrêmiste radicale » des indépendantistes. C’est pourquoi, lors du Congrès national du MNC à Stanleyville ( Kisangani), les gendarmes tirent dans la foule faisant  des centaines de blessés et 30 morts. Lumumba est donc arrêté quelques jours après.

Cette condamnation le rend indisponible pour la Table Ronde de Bruxelles qui débute le 20 Janvier 1960. Une Table Ronde censée déterminer les grandes lignes et conditions de l’indépendance du Congo Belge. Une absence qui arrange bien le pouvoir belge qui tend à garder une certaine hégémonie sur le Congo malgré l’indépendance. Ils le savent , cette volonté n’est possible qu’en l’absence de Lumumba parce que même si Kasa-Vubu, Tshombé et les autres sont déterminés à obtenir l’indépendance aucun d’eux n’a le nationalisme dans la peau comme Lumumba.

Table Ronde de Bruxelles du 20 Janvier au 16 Mai 1960

Les discussions entre le pouvoir belge et les différentes forces politiques du Congo-Belge débutent donc sans Lumumba emprisonné… Mais coup de théâtre, les représentants congolais refusent de continuer les discussions sans Lumumba qui est une figure phare de ce mouvement d’indépendance… Les Belges n’ont d’autre choix que d’ordonner sa libération. C’est donc le 26 Janvier que Lumumba prend part aux discussions qui se terminent le 16 Mai 1960 avec une date d’indépendance fixée au 30 Juin 1960. Le pouvoir belge sort de ces discussions décontenancé et déçu parce que croyant profiter des différences politiques des représentants congolais pour imposer leur volonté, ils ont fait face à union congolaise voulant se débarrasser au plus vite de ces instrus trop longtemps restés sur leur terre. Dans la foulée Lumumba rentre en sauveur au Congo et remporte très largement les élections générales avec son MNC , le plaçant en pôle position pour la présidence, poste qu’il refuse au profit de celui de Premier Ministre. C’est donc Joseph Kasa-Vubu qui est nommé Président de la République.

Lumumba : Les Belges plus jamais.

Lors de la cérémonie d’accession à l’indépendance, le 30 Juin 1960, Patrice Emery Lumumba prononce son discours le plus célèbre et le plus virulent à l’encontre du pouvoir belge et sa politique coloniale. Voici ces quelques mots devenus célèbres :

« Nous avons connu le travail harassant exigé en échange de salaires qui ne nous permettaient ni de manger à notre faim, ni de nous vêtir ou nous loger décemment, ni d’élever nos enfants comme des êtres chers. Nous avons connu les ironies, les insultes, les coups que nous devions subir matin, midi et soir, parce que nous étions des « nègres ». Nous avons connu les souffrances atroces des relégués pour opinions politiques ou croyances religieuses ; exilés dans leur propre patrie, leur sort était vraiment pire que la mort même. (…) Qui oubliera enfin les fusillades où périrent tant de nos frères, les cachots où furent brutalement jetés ceux qui ne voulaient plus se soumettre au régime d’injustice, d’oppression et d’exploitation. Nous qui avons souffert dans notre corps et dans notre cœur de l’oppression colonialiste, nous vous le disons tout haut: tout cela est désormais fini. »

Discours de Lumumba, le. 30 Juin 1960

Un discours qui détonne tant il n’a rien à voir avec ce qui était prévu au départ. En effet, il devait s’adresser au Roi Baudouin présent sur place en des termes plus que cordiaux et le laisser faire son discours paternaliste. Au lieu de ça, Lumumba s’est adressé aux congolais directement en des termes plus que nationalistes, ce qui contrarie le roi Baudouin et le pousse à vouloir précipiter son retour en Belgique.

Lumumba : Un pouvoir contesté

Pendant très longtemps, ce discours a été vu comme celui ayant signé son arrêt de mort, celui ayant signé son exécution or les choses sont plus complexes que cela et tout ne tient pas à ce discours.

Il faut le reconnaître que ce discours nationaliste a eu des conséquences sur les congolais et leur relation avec les fonctionnaires belges occupants encore les postes clés comme l’armée : Des émeutes, pillages, chasses aux sorcières ont lieu. Les belges sont chassés des terres congolaises en un rien de temps ! Lumumba profite de cette cohue pour proclamer «  l’africanisation » de l’armée et fait face à une tentative de sécession du Katanga de Moïse Tshombé , soutenu par les belges souhaitant garder la mainmise sur les richesses de cette province minière. Lumumba voit cela comme une opposition aux populations congolaises et une domination à terme du capitalisme sur les africains….

Moïse Tshombé

La Belgique fait preuve d’un paternalisme sans nom en estimant que le gouvernement de Lumumba est incompétent et décide d’envoyer sans tarder des troupes de son armée au sein de son ancienne colonie, notamment, dans la région de Katanga où elle soutient la sécession, proclamé par Moïse Tshombé dès le 11 Juillet 1960. Une intervention rapide de la Belgique impossible sans l’autorisation de l’OTAN qui lui permet de laisser en pleine Guerre Froide son front Belge allemand a découvert…  Cette décision rend le conflit civil congolais international poussant l’URSS à prendre le parti de Lumumba et l’ONU à ordonner aux Belges de se retirer au plus vite de ces terres qui ne sont plus les siennes.  

Discours de Lumumba à l’ONU

En Août, la Belgique signe un accord avec Tshombé et reconnaît donc l’indépendance du Katanga. En réaction Lumumba y envoie des forces armées pour reprendre la région, l’ONU intervient et impose un cessez-le-feu militaire. C’est là que la décision d’éloigner Lumumba le plus loin possible du pouvoir est matérialisé au sein de la CIA par un message de son directeur général, Allen Dulles « Nous avons décidé que son éloignement est notre objectif le plus important et que, dans les circonstances actuelles, il mérite grande priorité dans notre action secrète » . Dans un contexte de Guerre Froide, le rapprochement de Lumumba avec l’URSS et sa détermination anticapitaliste l’ont rendu persona non grata au sein du bloc de l’ouest. La cible a été placée dans son dos.

Lumumba assassiné

Dans cette vindicte contre lui, Lumumba se retrouve de plus en plus isolé, les modérés se réjouissent de sa perte de contrôle qui permet à Joseph Kasa-Vubu de le révoquer lui et ses ministres nationalistes au profit de Joseph Iléo et de ministres plus modérés. Cela a été possible uniquement parce que Lumumba faisait face en plus d’une fronde politique à une fronde civile, les congolais comprenaient de moins en moins ses choix et le doute est apparu…

Mais Lumumba répond qu’il n’en a que faire de cette révocation et révoque à son tour Kasa-Vubu grâce à la motion de maintien votée par le parlement et le conseil des ministres.

Tout ce chambardement politique prend fin lorsque Joseph Désiré Mobutu, proche de Lumumba et militaire, fait un coup d’Etat soutenu par la CIA et le bloc de l’Ouest. Lumumba et Kasa-Vubu sont assignés à résidence mais Lumumba n’abandonne pas ! Il réunit ses alliés politiques et monte un gouvernement clandestin avec Antoine Gizenga à sa tête !

Lumumba arrêté en Janvier 1961

La fin est proche mais Lumumba ne le sait pas encore. Il s’échappe avec sa famille de sa résidence surveillée et tente de regagner Stanleyville. Pensant avoir réussi à échapper à ses poursuivants, il ameute la foule et se fait repérer avant d’être arrêté dans le district de Sankuru (Kasaï-Oriental) par le Major Gilbert Mpongo. Il est transféré au camp militaire de Thysville ( Mbanza-Ngungu) puis à Elisabethville ( Lubumbashi) le 17 Janvier 1961, où il est fusillé. Dans sa fuite, Lumumba a emmené des compagnons dont Maurice Mpolo et Joseph Okito qui sont arrêtés et torturés par Tshombé et ses hommes au Katanga avant d’être aussi fusillé.

Même si officiellement, ce sont les Katangais sous les ordres de Tshombé qui sont tenus responsables de la mort de Lumumba, il est clair que le pouvoir belge a sa grande part de responsabilité. Les Belges sont notamment accusés d’avoir orchestré le transfert de Lumumba au Katanga sécessionniste ainsi que son exécution et la disparition de son corps. En effet, les ressentiments vis-à-vis de Lumumba par le Roi Baudouin et le pouvoir sont flagrants puisqu’ils participent à sa déstabilisation, s’opposent à sa libération et permettent à des officiers de prendre part à son exécution.

Cette exécution propulse Patrice Emery Lumumba au rang de Martyr héroïque puisque mort pour ses convictions.

Il n’était pas le seul à vouloir l’indépendance, il n’était pas le seul à vouloir un Congo libre mais il était le seul à vouloir un Congo anticapitaliste et communiste. Ses convictions ont fait de lui en pleine Guerre Froide l’ennemi de la Belgique mais aussi l’un des ennemis du monde occidentale qui voulait éradiquer le communisme et ses alliés.

Beaucoup en parlant de Lumumba oublient de parler du contexte qui a permis son intronisation en tant que héros national. Ils oublient les apports de Kasa-vubu, Kalonji,  Tshombé et pleins d’autres pour l’obtention de l’indépendance. Sans eux tous pas d’indépendance, pas de Lumumba non plus.

Certes leur quête de reconnaissance et de pouvoir ont permis à la Belgique d’obtenir l’exécution de Lumumba mais sans ceux tous le Congo serait peut-être encore une terre officiellement belge …

Queen Sunda Pedro .