Mort d’Israël Tambu Kipepe : négligence médicale, zones d’ombre et appel à la justice

11/21/2024

Le 28 octobre 2024, Israël Tambu Kipepe, un adolescent de 13 ans, est décédé après deux appels au SAMU. Depuis, sa famille cherche à comprendre les circonstances de ce drame et à obtenir justice.

Le 28 octobre 2024, Israël Tambu Kipepe, un adolescent de 13 ans, est décédé après deux appels infructueux au SAMU. De retour d’une détection réalisée au club de football de Châteauroux les 21 et 22 octobre 2024, il se plaint d’une douleur à l’épaule. Israël en informe rapidement sa famille, qui décide de l’emmener à l’hôpital Jacques-Cœur de Bourges. Cependant, le 28 octobre, malgré des douleurs persistantes, voire aggravées, et deux appels au SAMU, il n’est pas pris en charge. Il décède avant son rendez-vous prévu chez SOS Médecins à 23 h ce soir-là.

Depuis, sa famille cherche à comprendre les circonstances de ce drame, mais aucune information ne leur a été transmise par la police. Ils apprennent par voie de presse qu’une autopsie, réalisée le 5 novembre, conclut qu’Israël est mort des suites d’une infection pulmonaire. Pourtant, les causes et les éventuelles responsabilités derrière ce décès restent floues.

Une mort inexplicable : 

Israël Tambu Kipepe, âgé de 13 ans et passionné de football, a participé à une détection organisée à Châteauroux les 21 et 22 octobre 2024. Il s’y serait rendu avec son coach du FC Bourges. Le 22 octobre, lors de ce stage, Israël fait une lourde chute qui lui cause un choc à l’épaule.

Alors que son père, Apollinaire Tambu, devait venir le chercher, Israël lui envoie un message pour lui dire qu’il rentre avec son coach. Cependant, une fois arrivé à la maison, il refuse de révéler avec qui il est rentré. À ce jour, la famille ignore toujours qui l’a accompagné ce 22 octobre. Selon les informations dont elle dispose, les enquêteurs sauraient avec qui Israël est rentré, mais refuseraient de leur communiquer cette information. De son côté, le coach, qui serait également au courant, refuse d’éclairer la famille sur ce point.

Après son retour à la maison, Israël est mal en point pendant deux jours. Il dort énormément et se plaint de douleurs répétées, notamment à l’épaule.

Le 24 octobre, son père décide de l’emmener aux urgences de l’hôpital Jacques-Cœur de Bourges, où il est pris en charge. Une radiographie est réalisée, des médicaments lui sont prescrits, et il ressort avec une attelle. Toutefois, la famille remarque que sur le rapport médical, aucune mention n’est faite de la douleur à l’épaule, alors que celle-ci constituait l’élément central de sa plainte.

Dans les jours qui suivent, le jeune adolescent suit son traitement mais reste très affaibli. Le 28 octobre, son état se dégrade brusquement. En le voyant dans cet état, son père décide de le coucher vers 20 h 30 et de rester dans sa chambre pour veiller sur lui. En discutant avec lui, il lui dit : « La rentrée arrive, il faut que tu sois en forme. » Israël lui répond alors : « Papa, je ne me sens pas bien. Je sens des brûlures dans mon corps. » Interpellé par ces mots, son père réagit immédiatement.

La grande sœur d’Israël, âgée de 17 ans, décide de contacter le SAMU, craignant que l’accent marqué de leurs parents ne complique la communication. Aux alentours de 21 h, elle appelle et est mise en relation avec un opérateur. Après avoir posé plusieurs questions à la famille et à Israël, l’opérateur semble, selon eux, minimiser la gravité de la situation et leur aurait répondu : « Nous avons des cas plus graves à traiter. » Il fixe un rendez-vous avec SOS Médecins pour 23 h, mais celui-ci n’est confirmé qu’une heure plus tard.

Voyant la situation s’aggraver et Israël perdre connaissance, sa sœur rappelle le SAMU peu après 22 h. Cette fois, le SAMU décide d’envoyer les pompiers. Ces derniers arrivent aux alentours de 22 h 30, mais malgré plusieurs tentatives de réanimation, Israël décède sur place.

Le parquet de Bourges a ouvert une enquête, et une autopsie a été réalisée le 5 novembre. C’est à travers les journaux ( Le Berry Républicain )  que la famille a appris qu’une telle procédure avait eu lieu. Selon les conclusions de l’autopsie, Israël serait décédé des suites d’une infection pulmonaire. Un résultat que la famille conteste et ne comprend pas, affirmant qu’Israël était en parfaite santé avant le stage de détection. Par ailleurs, aucun symptôme lié à ce type d’infection n’a été signalé, notamment lors de son passage à l’hôpital Jacques-Cœur de Bourges.

La famille face au mutisme de l’instruction policière 

La famille d’Israël se heurte au silence des autorités policières, qui refusent de leur communiquer la moindre information sur l’enquête liée à sa mort. Elle réclame justice et des réponses à ses nombreuses interrogations.

De nombreuses zones d’ombre subsistent concernant les jours qui ont précédé le décès tragique d’Israël.

La famille se demande pourquoi, au sein du club de Châteauroux, personne ne l’a informée de la chute et des douleurs à l’épaule dont Israël avait souffert.

Pourquoi, à ce jour, elle ignore toujours qui a ramené Israël de son stage à Châteauroux, et ce que cette personne pourrait savoir des événements survenus pendant le stage.

Pourquoi les résultats des examens réalisés à l’hôpital Jacques-Cœur ne mentionnent pas la douleur à l’épaule, pourtant au cœur de ses plaintes.

Pourquoi un tel flou opaque entoure l’enquête sur la mort du jeune adolescent.

Enfin, elle ne comprend pas comment il est possible qu’elle ait appris par la presse qu’une autopsie avait été réalisée.

Démunie et tenue à l’écart de l’enquête, la famille d’Israël cherche désespérément à comprendre ce qui s’est réellement passé et exige une justice digne de ce nom pour Israël.

Une énième négligence médicale : 

Dans ses différentes prises de parole sur les réseaux sociaux ainsi qu’à nous, la sœur d’Israël, Christia, dénonce une négligence médicale. Elle pointe du doigt le fait que la gravité des douleurs ressenties par son frère aurait été minimisée, d’abord par l’opérateur du SAMU, et ensuite à l’hôpital Jacques-Cœur, où les résultats des examens ne mentionnent pas les douleurs à l’épaule pourtant centrales. Comme d’autres internautes, elle relie ces négligences au « syndrome méditerranéen ».

Le syndrome méditerranéen est un biais raciste documenté dans le secteur hospitalier. Il consiste à sous-estimer la douleur, les symptômes, ou même à refuser de soigner des personnes racisées, notamment celles d’origine africaine, sous prétexte qu’elles seraient, selon un stéréotype raciste, plus résistantes à la douleur.

Un exemple tragique de ce syndrome est l’affaire Naomi Musenga, décédée à Strasbourg en décembre 2017 après une non-prise en charge par le SAMU. Lors de son appel, l’opératrice s’était montrée méprisante et cassante, n’ayant pas pris au sérieux la détresse de Naomi, avant de lui raccrocher au nez sans envoyer d’ambulance. Naomi avait attendu près de cinq heures avant d’être prise en charge par SOS Médecins, puis transportée à l’hôpital, où elle décède le 29 décembre 2017. En 2024, l’opératrice a été reconnue coupable de non-assistance à personne en danger et condamnée à un an de prison avec sursis par le tribunal correctionnel de Strasbourg.

Un autre cas récent est celui de Meggy Biodore, une jeune femme d’origine guadeloupéenne, morte d’une méningite foudroyante en octobre 2024. Le 15 octobre, son amie appelle le SAMU en urgence alors que Meggy souffre de forte fièvre, vomissements, pertes de connaissance, et douleurs intenses. L’opérateur minimise ses symptômes, lui conseille de « boire de l’eau avec du sucre » et de se tourner vers SOS Médecins. Plus tard, les pompiers, également contactés, minimisent à leur tour la gravité de la situation, suggérant une douche chaude et l’usage de Ventoline. Finalement, faute d’une prise en charge médicale, un ami transporte Meggy au CHU de Montpellier, où elle décède peu avant 19 h 30.

Ces tragédies, comme celle d’Israël, soulèvent des questions sur le traitement réservé aux personnes racisées dans le domaine médical et alimentent la thèse de l’existence de biais racistes dans leur prise en charge.

En 1952, Frantz Fanon avait déjà décrit ce phénomène dans un article sur le « syndrome nord-africain ». Il évoquait une catégorisation raciste chez les professionnels de santé, fondée sur des stéréotypes selon lesquels les Nord-Africains seraient des simulateurs, des tire-au-flanc ou des menteurs. Il dénonçait l’attitude de défiance des soignants face à la réalité des maladies affectant ces populations, une problématique qui semble malheureusement encore d’actualité aujourd’hui.