Salut à tous ! En ce début d'été, nous revenons sur notre site après l'avoir mis de côté au profit de notre Instagram . D'ailleurs, retrouvez sur instagram de nombreuses vidéos inédites. Pour revenir à nos moutons, c'est avec un grand plaisir que nous vous présentons, une nouvelle catégorie qui va nous accompagner tout l'été : Trustmag l'actu. Ici, nous vous transmettons les actualités qui nous paraissent primordiales et cela à notre manière bien évidemment. Il y a une édition vidéo qui est déjà disponible sur notre Instagram (Allez voir ! ). Ici, sera l'espace où certains sujets traités sur Instagram seront développés pour vous permettre une meilleure compréhension et surtout vous permettre d'avoir le plus d'informations possibles. Notre premier numéro sur instagram portait sur le Soudan, pays vivant des moments très durs encore aujourd'hui, relatant ce qui s'y passe. C'est donc tout naturellement que nous avons décidé de développer en profondeur, ce sujet ici pour votre plus grand plaisir.
Le 11 Avril, Omar Al-Béchir est destitué suite à une révolution soudanaise inédite. Pour bien comprendre ce qui s'y passe à l'heure actuelle et les faits de ces derniers mois, revenons quelques années en arrière.
La descente aux enfers d'un pays en crise
En 2011, le Soudan du Sud acquiert son indépendance emportant avec lui, les trois quarts des réserves de pétrole que comptait le Soudan. Le pays plonge dès lors dans une crise économique qui ne fait qu'empirer d'année en année avec des taux d'inflation allant jusqu'à 70% par an. De plus, de nombreuses villes du pays sont victimes d'une pénurie de pain, de carburant ce qui compliquent la vie des soudanais. En plus de tout cela, il y a une carence en termes de devises étrangères rendant difficile l'importation de certains médicaments par des agences pharmaceutiques soudanaises qui s'ajoute à une pénurie de liquidité dans la capitale exaspérant fortement les classes moyennes puisqu'ils ne peuvent retirer leur salaire. Vous comprenez bien qu'avec tout cela le pouvoir d'achat des soudanais ne se portait pas au mieux et les régions rurales voit s'ajouter à cette crise économique, une crise de la production agricole.
Bien évidemment, le Président El-Béchir ne prend en aucun cas ses responsabilités et rejette la faute sur les occidentaux qui ont imposés au pays des sanctions ( embargo économique de 1997 à 2017, embargo sur le commerce des armes ). En effet, Omar El-Bachir est accusé d'être impliqué dans des crimes contre l'humanité et autres crimes commis lors de la guerre du Darfour. Par ailleurs, il y a un mandat d'arrêt qui a été émis contre lui par la Cour Pénale Internationale (CPI) qui n'a jamais été appliqué.
Vous vous doutez bien que lorsqu'en Décembre dernier, le gouvernement annonce la hausse du prix pain à une population déjà suffocante, cela crée un tollé et provoque la colère de cette dernière.
La fin d'une ère ?
Ces manifestations de protestation face à une situation économique plus que critique se transforme vite en une révolte contre un régime autoritaire en place depuis plus d'une vingtaines d'années. Au départ, El-Bachir ne compte point céder et durcit rapidement le ton contre les manifestants comme lors des manifestations de 2011 et de 2013. Voyant la situation perdurer, il avait annoncé en Janvier dernier la hausse du salaire des travailleurs dans le public ainsi que l'extension des prestations d'assurance maladie mais rien y fait la fronde ne s'arrête pas, cela prend même plus d'ampleur. En février, l'état d'urgence est décrété et cela pour une durée d'une année. Par la suite, Omar El-Bachir décide de limoger les grandes instances de provinces et d'avoir ainsi la main mise sur tout le pays. Il s'explique lors d'un passage télévisuel en disant :" Notre nation traverse une situation difficile et compliquée, la plus difficile de son histoire"...
En Avril dernier, la révolte s'accroît et devient plus complexe à maîtriser. Effectivement, depuis début Avril, des milliers de manifestants campent devant le quartier général de l'armée soudanaise avec comme figure de proue Alaa Salah. Elle est devenue le symbole des milliers de femmes soudanaises en premières lignes de la révolte se battant pour leurs droits. Elle est le reflet de la culture soudanaise. En se tenant fièrement, scandant des slogans révolutionnaire, la "kandaka" est la personnification de cette révolution.
Le 11 avril, avec l'aide de l'armée les soudanais obtiennent la destitution d'Omar El-Bachir après trente ans de règne. Une destitution qui ne résout rien, bien au contraire…
L'après El-Bachir
Après la destitution d'Omar El-Bachir, vous comprenez bien que la mise ne place d'un pouvoir de transition était nécessaire. C'est donc dans ce cadre que le Conseil militaire de Transition (TMC) a été mis en place. Leur but étant d'influer sur le choix du successeur d'El-Bachir. Il est composé de dix officiers dont notamment le général Abdel Fattah Al-Burhan ou encore le très controversé général Hemetti. Ce dernier est connu, notamment, pour l'implication de l'ex-milice Forces de Soutien Rapide (FSR) dans les massacres du Darfour. Milice, devenue une groupe paramilitaire, dont il est commandant.
Depuis le 11 avril, les manifestants n'ont pas bougé d'un poil, maintenant la pression sur le TMC avec leur sit-in sur la place principale de Khartoum non loin du quartier général de l'armée. Ils réclament le départ de tous les alliées d'El-Bachir du pouvoir et un réel changement politique, ce qui n'a pas l'air de plaire à l'armée ainsi qu'au TMC.
C'est donc après deux mois de sit-in que le TMC décide de mener une opération de "nettoyage" pour libérer la place centrale de Khartoum devenue l'épicentre de la contestation, cela aurait dégénéré selon les dires du TMC. Mais pour les manifestants, cela est un acte délibéré des militaires, particulièrement , pour le FSR qui régnerait en maître sur la capitale soudanaise.
Juin, le mois de toutes les désillusions
En effet, comme dit plus haut, le 3 Juin dernier, lors de la dispersion du sit-in, il eut beaucoup de victimes. Depuis ce massacre, la situation a changé et le pays a été plongé dans le chaos. Effectivement, l'électricité fut coupé, les voies de communication aussi. Le pays fut plongé dans une autarcie quasi totale durant quelques jours. Les incidents violents ayant augmenté la population s'enferme et ne sort plus. L'omniprésence du FSR, milice à la tête du massacre du 3 Juin, fait peur et inquiète la population qui reste sur leurs gardes.
Par la suite, le 6 Juin, l'Union Africaine (UA) suspend le Soudan jusqu'à "l'établissement d'une autorité civile", selon l'annonce du Conseil de paix et du Sécurité de l'UA. Une décision prise après trois jours de répression meurtrière par les militaires et les milices alliées dans la capitale qui ont fait plus de 100 morts ainsi que plus de 500 blessés.
Trois jours plus tard, l'opposition soudanaise menée par l'Alliance pour la liberté et le changement (ALC) débute sa campagne de désobéissance civile. Vous me direz qu'est-ce qu'une "désobéissance civile". Une désobéissance civile est le refus assumé et public de se soumettre à une loi, un règlement, une organisation ou un pouvoir jugé injuste par ceux qui le contestent, tout en faisant de ce refus une arme de combat pacifique. Ici, c'est bien contre la TMC et les actions des milices alliées que l'ALC met en œuvre cette dernière. Lors de la première journée, la répression du mouvement fit quatre morts dans la capitale soudanaise. Cette situation plonge le pays dans une grande insécurité, notamment dans la capitale. Dans cette dernière, la circulation est réduite, les transports perturbés et les magasins fermés. La situation économique n'est pas des plus vertueuse puisque le pays tourne au ralenti, les commerçants sont dans un grand désarroi.
Ensuite, le 12 Juin, l'opposition suspend la désobéissance civile pour tenter une négociation avec le TMC. A ce moment-là, la situation semblait s'améliorer mais c'est tout le contraire malgré les rencontres entre les américains et les émissaires de l'UA pour tenter de trouver une porte pour sortir de la crise. Depuis , les manifestations continuent, d'ailleurs, dimanche dernier une manifestation de grande ampleur a fait plus de cinq morts. Le but de cette dernière est toujours le même réclamer le transfert du pouvoir au peuple, ce que le TMC semble farouchement refuser.
#BlueForSudan
La diaspora soudanaise voyant la situation de leurs compatriotes passée sous silence décide de se soulever et de se faire entendre grâce aux réseaux sociaux. Le moyen choisi est d'inciter les gens à changer leur photo profil par un fond bleu afin d'alerter, d'apporter son soutien au soudanais, rendre hommage aux martyrs de la révolution ainsi que susciter l'intérêt des médias.
Le choix de la couleur est lui-même symbolique puisqu'il s'agit de la couleur favorite de Mohammed Mattar, étudiant tué lors de la dispersion du sit-in, mort pour s'être interposé entre les membres du FSR et deux femmes. Etant mort en héros, sa couleur devient celle des martyrs de la révolution et du combat pour la visibilité de la révolution au niveau mondialisation .
Cela fonctionne puisqu'en quelques heures des millions de personnes changent leur photo de profil sur différent réseaux sociaux dont principalement sur Instagram et Twitter. Cette initiative attire l'attention de nombreux médias et web médias tels que Brut, France Tv, CNN ou encore Al Jazeera.
Les soudanais se battent sans relâche pour leur liberté depuis plus de six mois et ne semblent pas prêt de céder face à un TMC impassible. L'avenir nous dira si la détermination d'un peuple suffit à le libérer ou si les maux du passé sont ceux du présent...
Queenyy pour Trustmag .