Les 16 et 17 avril ont vu se dérouler la cinquième édition du salon Congo na Paris à l’espace Charenton, à Paris. TRUSTMAG y était afin de rencontrer celles et ceux qui font notre culture. Retour sur une journée découverte, d’échanges, de rencontre dans un cadre très chaleureux et convivial.
Avec 85 intervenants, 347 sponsors, 213 exposants et plus de 6000 tickets vendus, il ne fallait pas être agoraphobe en ce dimanche ensoleillé.
Notre première rencontre fût guidée par le cœur, un cœur qui se plie aux lois et émotions données par le football. C’est donc naturellement que nous sommes allés à la rencontre de nos confrères de Leopardsfoot. Média web créé en 2003 par Sébastien Kisaki, le site compte aujourd’hui 254 mille abonnés sur Facebook, 239 mille abonnés sur Instagram, 80 mille abonnés sur Twitter et 8120 sur leur chaine YouTube. Le média a depuis la genèse comme objectif promouvoir et valoriser le football congolais. Le projet est né à la suite de la constatation d’un désert médiatique sur le football congolais durant la fin des années 90. Quelques bribes d’informations sur les joueurs jouant à l’étranger mais absolument rien sur les locaux. Le premier objectif était donc, par le biais de la création de ce média, de centraliser toutes les informations sur le football congolais. Le groupe fondateur étant basé en Europe, la loi de proximité a fait effet et il a d’abord été question des joueurs d’origine congolaise jouant sur le Vieux continent. À force de travail et de travail bien fait, les contacts et la crédibilité se sont accrus ce qui leur a permis de pouvoir créer une équipe sur place au Congo. Il y a eu des collaborations avec la fédération congolaise de football, notamment dans la mise en relation avec certains joueurs ou la mise en avant de ceux-ci. Bien que cette relation ait eu des avantages, monsieur Kisaki insiste en rappelant qu’il n’est pas du devoir d’un média de faire cela. C’est à la FECOFA d’avoir un service dédié, avec un suivi qui contacterait les joueurs pour établir un premier contact, suivre les performances en club puis à terme les convoquer avec la sélection nationale. Concernant les binationaux et leur réticence à rejoindre la sélection double championne d’Afrique, le sentiment qui prime est la déception. Quoi de plus normal qu’en tant que congolais, l’on souhaite voir des Congolais jouer pour la patrie ? Mais après cela vient rapidement la compréhension puisque lorsque l’on se penche de plus près sur le dossier, comment leur en vouloir totalement ? Qu’est-ce que nous offrons à ces jeunes, nous dit Mr Kisaki. Un jeune qui est convoité par l’Équipe de France ou encore la Belgique a la possibilité de jouir de tous les avantages relatifs à ces sélections. Avantages qui ne sont pas que financiers. Un jeune de 17 ans en Équipe de France, au bout de 2 ans, il peut avoir eu la chance de disputer un championnat d’Europe, des éliminatoires de Coupe du monde voire une coupe du monde dans sa catégorie. Que peut offrir en contrepartie la sélection congolaise ? Le sportif est un compétiteur donc cet aspect est tout sauf négligeable. L’aspect financier vient souvent sonner le coup de grâce dans les négociations puisque dès lors que le jeune joueur devient international, son statut au sein du club change. Il peut aussi lui permettre de revoir son contrat à la hausse. Que l’on en soit satisfait ou non, c’est un fait, être international français est à l’heure actuelle, plus clinquant qu’être international congolais. L’amour du Congo est présent et intact pour ces jeunes mais les réalités de la vie prennent le pas sur les souhaits de chacun.
Cependant pour pallier cela, Leopardsfoot invite à repenser notre football. Ils incitent à regarder du côté des pays pour qui cela fonctionne assez bien et de s’en inspirer. À l’instar des Camerounais qui avaient organisé un stage avec bon nombre de binationaux en France, sous les yeux du sélectionneur de l’époque. Toujours selon le fondateur de Leopardsfoot, si l’on attend que le joueur marque deux buts dans son club pour qu’un journaliste l’appelle afin de lui proposer une sélection, c’est trop tard. Il doit y avoir un véritable scouting et un nom du football congolais mandaté pour joindre ces joueurs afin d’exposer le projet.
Le projet qui nous a été exposé par la suite l’a été par Neves, gérant et créateur de la marque « Rumba culture ». C’est une marque de t-shirt née en août 2021, d’un souhait assez simple : mettre en avant les artistes congolais via des vêtements. Ce souhait a émané de la constatation d’une incohérence. Des vidéos de danses sur des chansons africaines devenaient virales tandis que les danseurs portaient des vêtements faisant références à des groupes tels que AC-CD, Iron Maiden ou encore les Rolling Stones. Pas spécialement la même énergie en effet. Donc afin de faire matcher totalement tout cela, la chaine de vêtements fût lancée.
Il s’agit de la deuxième expérience dans le textile pour notre entrepreneur puisqu’il s’était déjà lancé dans le wax, il y a quelque temps. Une activité précédente qui lui facilite celle actuelle puisque dorénavant le carnet d’adresse est plus fourni, les fournisseurs sont déjà connus. Le choix des artistes est l’enfant d’une stratégie précise mais simple. D’abord les artistes les plus populaires sur les réseaux sociaux, avec notamment JB Mpiana et ses désormais célèbres vidéos sur Snapchat ou encore Fally Ipupa et Koffi Olomide. L’engouement créé par ceci constituait donc le moment parfait pour sortir ceux avec des artistes un peu plus dits nostalgiques tels que Tabu Ley et Mbilia Bell par exemple.
Concernant la création, il y d’abord la partie étude de l’artiste. Quel était son univers ? Était-il un féru de fantaisie sur ses pochettes ? Puis avec le graphiste, ils essayent de réaliser le vêtement tout en prenant soin de ne pas mettre l’artiste dans des tons, des couleurs et/ou des matières où ses fans ne le reconnaitraient pas. Au niveau de la vente, bien qu’elle ait commencé sur Instagram, il existe dorénavant un site rumbaculture.com où l’on peut acheter sans problème les t-shirts que l’on souhaite. Les livraisons se font absolument partout, local comme international mais la particularité c’est qu’il est aussi possible de se faire livrer en main propre. Ce qui permet de créer de l’interaction, du relationnel entre les gens. Vu la crise que l’on vient de subir, c’est peut-être la solution idoine.
Lors du lancement, l’humoriste Mère Zaïre avait fait une vidéo dans laquelle elle portait l’un des t-shirts de la marque, ce qui donna un véritable coup de pouce à la marque. S’en est suivi une collaboration avec Clark Donovan. Werrason, qui avait partagé l’un des t-shirts à son effigie sur Instagram, était en relation avec le groupe pour une collaboration avec Rumba Culture sur le merchandising lors de son concert au Zénith de Paris. Mais si ce concert a été annulé, l’envie demeure intacte. Trop peu, pour ne pas dire aucun, d’artistes congolais pensent au merchandising durant leurs concerts. C’est donc ce marché là que Rumba Culture souhaite viser.
Après cela, nous allons à la rencontre de Lukeba Malanda, consultant en finance mais surtout écrivain. L’écriture est le fruit d’une passion, passion qui bout en lui depuis sa jeunesse. Celle-ci s’est intensifié depuis les succès littéraires de Games Of Thrones, s’est concrétisé il y a cinq ans. Le souhait d’écrire une histoire africaine, dans laquelle il se sentirait plus proche des protagonistes a donné ses premiers romans. La trilogie « Les gardiens d’Elikya. » Lukeba fait chaque chose tout seul, à ses frais. De l’écriture jusqu’à ce qu’il soit dans les mains d’Amazon, principal vendeur de l’œuvre. L’histoire relate les aventures de guerriers africains qui doivent se protéger et protéger leurs royaumes face à un envahisseur. Désormais l’objectif principal est de traduire cela en anglais. Étant donné l’américanisation du marché de la fantaisie, additionné au manque d’histoires africaines, il y a probablement une belle carte à jouer.
Nous avons ensuite échangé avec l’association Stand’UP Wak’up. Créée en 2006 elle est devenue internationale en 2019. Il s’agit d’une association qui a pour but d’aider les jeunes dans leur développement personnel. Basée à Garges-Lès-Gonesse, l’association permet à ces jeunes issus de quartier de pouvoir aspirer à entreprendre dans les meilleures conditions, aides publiques ou non. Retrouvez-la le 29 octobre lors de l’évènement « DigiTalents » à Paris.
Après une pause digestive dans les stands prévus à cet effet, nous sommes allés à la rencontre de Kevin Matanda, 24 ans et président fondateur de l’association La force d’aimer. C’est une association qui est engagée dans la justice sociale et le développement des personnes les plus démunies. Les pôles d’actions se trouvent actuellement à Goma, Bukavu et Kinshasa. Bien que l’association ne soit juridiquement existante que depuis 2020, les travaux durent depuis 2016. En étroite relation avec Pawa Foundation, La force d’aimer s’additionne au travail déjà accompli afin de permettre, entre autres, au plus grand nombre d’accéder à des conditions décentes de scolarité. Dès son plus jeune âge, Kevin réalisa la chance qu’il pouvait avoir par rapport à certains de ses compatriotes et se mit en tête de pouvoir apporter sa pierre à l’édifice. Sa première fois sur place, en 2016 ne fit que le conforter dans cette pensée. Même si certains ne lui ont, selon lui, pas accordé la considération et le respect nécessaire en raison de son jeune âge, il insiste sur l’importance du dialogue. Dès lors que celui-ci s’installe, généralement l’interlocuteur constate qu’il y a un tas d’idées, ce qui permet d’avoir une « discussion d’adultes à adultes ».
Chaque action est relative à un pallier. Les actions sont planifiées sur dix ans. Pendant que certains détracteurs taxent les membres de la diaspora voulant réaliser des actions concrètes dans leur pays d’origine de sombrer dans une sorte de « European saviorism », la réponse donnée par La force d’aimer est la place des locaux dans ce projet. Les réalités sont vécues par les locaux donc ce sont les locaux qui sont au centre du projet. Le choix des villes s’est fait en raison d’une « vibration particulière » avec l’est du Congo. Puis le fruit des lectures, des recherches, de la documentation a rendu absolument convaincu le fondateur de l’association que la condition sine qua none du salut du pays est le salut de l’est congolais.
Nous avons ensuite assisté à une discussion sur l’acquisition des œuvres d’arts, très enrichissante. Peut-être autant que les œuvres en elles-mêmes, puis s’en est suivi un concert de clôture dans la joie et la bonne humeur.
Mike Tanzey.