Nouvelle Ecole Saison 3 : Youssef Swatt’s sacré vainqueur, l’expression d’un ras-le-bol ?

8/3/2024

Dimanche 21 juillet avait lieu la finale de la compétition de rap phare de Netflix. Nous avons pu voir s’affronter Dadi, Jyeuhair et Youssef Swatts, trois talents aux univers distinctifs. Youssef Swatts s’est vu sacré champion de l’aventure, devenant l’heureux gagnant des 100 000 euros tant convoités. L’annonce de sa victoire a suscité beaucoup de débat sur les réseaux sociaux, le lyriciste assumé s’inscrivant dans une tradition puriste du rap, en contraste avec la tendance actuelle. Cette victoire sonne-t-elle comme un désir de retour aux fondements du hip hop ?

Après quatre semaines d’intense compétition, les noms des finalistes sont tombés. Trois talents aux sonorités différentes se sont affrontés, après l’élimination d’AMK. On retrouve Dadi, représentant de la nouvelle vague, Jyheuair, s’inscrivant dans un univers hip hop teinté de pop  et Youssef Swatts, artistes aux textes engagés. 

Un descendant de l’ancienne école

Youssef Swatts, de son vrai nom Youssef Reziki, jeune de 26 ans originaire de Tournai (Belgique) se prend de passion pour le rap dès l’âge de 12 ans, encouragé par un professeur. L’amoureux des mots se fait repérer à ses débuts par le rappeur belge Scylla, à qui il voue un grand respect. Youssef enchaine des projets prometteurs au fil des années. Il compte quatre EP à son actif. En 2014 sort « L’Amorce », en 2017 « Vers l’infini et au-delà », « Poussières d’espoir » en 2020 et enfin « Pour que les étoiles brillent » en 2022. Pour le féru de la plume, la passion n’a de sens que si elle est partagée. Le jeune artiste donne souvent des cours d’écriture dans des prisons, des centres psychiatriques ou dans des maisons d’accueil de jeune. Il collabore avec des artistes de renom tel qu’Oxmo Puccino  (Le poids des mots sur Pour que les étoiles brillent) et fait les premières parties d’artistes tels qu’IAM et Bigflo et Oli.  

Un parcours salué

Le jury de cette saison, composé du rappeur SCH, (communément appelé le S), présent depuis la première édition, et de deux nouvelles recrues : SDM, rattaché au clan 92i (Booba) et Aya Nakamura, star internationale n’a cessé d’être surpris par des prestations mémorables. Au fil des épreuves, les artistes se sont révélés. Lors des battles, épreuve centrale de l’émission, de beaux affrontements ont eu lieu. On retiendra les punchlines piquantes de Clara Charlotte envers Yorssy ou le duel impossible de Jyheuair et Damys. Youssef Swatt’s est ressorti gagnant de son battle conte James Loup, après un affrontement louable. Qui dit nouvelle saison dit nouvelle règle. Une deuxième chance a été donnée aux perdants des battles afin de repêcher un candidat. Yorssy en est ressorti vainqueur, évinçant définitivement Durden, James Loup, Damys et Kenz. S’en est suivi l’épreuve des showcases : chaque candidat avait pour mission la composition d’un morceau dansant, adapté à un public de boite de nuit. Le jeune tournaisien est sorti de sa zone de confort en proposant un morceau léger et rythmé, éloigné de son univers d’origine. Lors de l’épreuve de la réalisation de clip, les candidats restants (Yorssy, AMK, Jyeuhair, Youssef Swatt’s) ont eu pour consigne principale d’intégrer leur ville natale dans le storytelling de leur projet. Un défi encore relevé haut la main par le belge, qui a proposé un clip avec une imagerie old school, rappelant les années 90. Lors des featurings, dernière épreuve décisive pour se qualifier à la finale, Youssef s’est démarqué sur le titre « Peur »,  gros succès du rappeur Kerchak en featuring avec Ziak, en proposant une version à son image tout en respectant l’adn festif du morceau aux côtés de Kerchak. Une performance encore saluée par le jury, lui permettant d’aller en finale, avec Jyeuhair et Dadi. La dernière épreuve du concours consistait à créer un hit. Chaque artiste a eu carte blanche sur la création d’une composition originale, avec l’aide de beatmakers et coach scéniques. Après une prestation vitaminée de Dadi sur « Bah Ouai », un morceau dans l’air du temps avec une forte influence Jersey, Jyeuhair s’est présenté devant le jury avec « Misaotra », aux influences tribales, ce rapprochant à plus grande échelle de l’adn de  Stromae. Enfin Youssef Swatt’s a proposé « Générique de fin », un morceau introspectif, sur une production traditionnelle, en totale opposition avec ce que l’on attend d’un hit. 

« J’fais pas d’la zik qui parle aux labels / J’fais de la zik qui parle aux gens »

« On m’a demandé un hit / tant pis pour les radios / J'ai fait une chanson triste / tant pis pour les 100 000 euros/ Je resterai moi-même jusqu’au dernier refrain / Générique de fin »

Avec « Générique de fin » Youssef fait un pied de nez à l’émission et à un spectre plus large à l’industrie, en restant fidèle à son empreinte avec un morceau à contrecourant.

Le retour au bercail

La dilemme final s’est joué entre Dadi et Youssef, Jyeuhair ayant été jugé moins performant sur son dernier passage et trop « niche » dans ses propositions artistiques globales. On peut quelque peu remettre en question ce jugement. Dans un sens, Youssef  ne correspond pas non plus à l’image d’un artiste mainstream dans notre aire actuelle (rap conscient), où une personnalité telle que Dadi trouverai plus facilement son créneau (rap aux sonorités éléctro, dans la nouvelle vague). Ce qui a fait pencher la balance des jurés du coté de Youssef Swatt’s est sans doute le besoin grandissant d’un renouveau dans le paysage musical français. Un renouveau qui passerai paradoxalement par un retour aux bases du hip hop,  à l’essence du rap : moins commercial, plus clivant dans les textes. Aussi, pourrait-on imaginer que Netflix souhaite faire de Nouvelle Ecole une référence sérieuse dans la culture urbaine, avec pour volonté la mise en lumière de profils moins lisses, jugés moins lucratifs ?

Seul l’avenir nous le dira.